Malgré sa « profonde colère », l’évêque appelle au dialogue et à la réconciliation avec les musulmans au Nigeria

La situation de persécution des chrétiens par des extrémistes musulmans en Afrique de l’Ouest a récemment été discutée lors d’une conférence de deux jours au Burkina Faso. Mgr Wilfred Chikpa Anagbe, évêque nigérian du diocèse de Makurdi, a appelé au dialogue avec les musulmans et à la mise en place d’un programme de justice et de réconciliation pour promouvoir la paix et le pardon.

« Une vive et profonde colère », c’est ce que l’évêque catholique de Makurdi, au Nigeria, avoue ressentir en rappelant les divers cas de persécution que les chrétiens de son pays ont eu à subir au cours de ces dernières années, et qui ont abouti, rien que dans son diocèse, au meurtre de dizaines de personnes, dont deux prêtres.

Mgr Wilfred Chikpa Anagbe a été invité à prononcer le discours d’ouverture du Forum sur la vie pastorale et la sécurité. Ce Forum, portant sur la persécution des chrétiens en Afrique de l’Ouest, s’est tenu au Burkina Faso les 30 novembre et 1er décembre 2021 avec le financement et le soutien de l’organisation caritative pontificale Aid to the Church in Need (ACN).

Ne pouvant y assister personnellement, il a fait lire son discours aux plus de 200 participants venus de tous les diocèses du Burkina Faso et des pays voisins.

Non seulement le Nigeria est la proie d’organisations terroristes ouvertement djihadistes telles que Boko Haram et sa ramification, la province d’Afrique de l’Ouest de l’État islamique, mais il subit également une vague de violence perpétrée contre des agriculteurs principalement chrétiens par des bergers d’origine peule, pour la plupart musulmans. Il y a également eu une vague d’enlèvements, ciblant souvent les chrétiens, dans l’espoir d’obtenir des rançons.

Rien que dans le diocèse de Makurdi, le bilan de ces violences est considérable. « Dans mon propre diocèse, il y a plus de 1,7 million de personnes déplacées. Malgré ce nombre élevé, nous continuons de soutenir nos concitoyens du mieux que nous pouvons en leur fournissant de la nourriture et des vêtements dans la meilleure tradition de notre foi », déclare Mgr Anagbe.

D’autres, en revanche, l’ont payé de leur vie. « Je veux partager la triste attaque contre deux de mes prêtres, les Pères Felix Tyolaha et Joseph Gor, qui ont été brutalement assassinés le 25 avril 2018 avec 17 de leurs paroissiens alors qu’ils célébraient la messe. En outre, le 1er janvier 2018, des djihadistes ont envahi un village de la zone de Guma, dans mon diocèse, et ont tué 72 personnes et fait des dizaines de blessés ».

Malgré sa profonde colère, Mgr Anagbe a expliqué lors de l’événement parrainé et promu par ACN, que les chrétiens devaient répondre à la violence par le message de l’Évangile.  « Je ressens une grande indignation, une profonde colère en moi. Oui, nous devons être indignés par les actes de persécution religieuse qui se produisent dans notre pays, sinon nous serons plongés dans l’anarchie totale à cause d’une hypocrisie pieuse et politiquement correcte mais dénuée de sens ».

Cependant, a-t-il ajouté, « en tant que chrétien et catholique, ma religion m’enseigne – et mon expérience spirituelle m’y oblige – à vaincre le mal par le bien. Nous nous souvenons des victimes, mais pas avec le désir de vengeance ou comme une incitation à la haine ».

Mgr Anagbe affirme qu’en tant qu’évêque, il est de son devoir d’inspirer l’espérance à son peuple, même si « depuis 2002, année du début du djihad de Boko Haram, principalement contre des chrétiens du nord-est du Nigeria, il ne se passe pas une journée sans que l’on apprenne la triste nouvelle d’attaques tragiques contre les populations chrétiennes, souvent imputables à des hommes et des femmes qui se sont fourvoyés et sont tombés dans le mal et sont déterminés à détruire les fondements de notre existence commune au nom de la religion ».

« Notre rôle en tant que ministres de Dieu est d’inspirer l’espérance. La douleur est grande et les blessures mettront du temps à guérir, mais sans la foi, nous ne pouvons pas plaire à Dieu et cette foi doit être concrète. En tant que responsables, le défi auquel nous sommes confrontés exige que nous prenions des mesures pratiques, dans le domaine de la foi, pour guérir et restaurer l’espérance du peuple. Nous devons également faire preuve de la ténacité requise, en tant que responsables, pour mettre fin à l’humiliation de nos frères et sœurs, dont la dignité et les droits sont constamment bafoués par des groupes qui cherchent à les exterminer simplement parce qu’ils appartiennent à une autre religion».

Mgr Anagbe a terminé son intervention au Forum par des recommandations pratiques sur la manière d’améliorer la situation au Nigeria et dans d’autres pays d’Afrique de l’Ouest où la persécution des chrétiens a augmenté ces dernières années. Tout d’abord, il souligne que « les chrétiens et les musulmans doivent avoir une discussion ouverte sur le rôle de la foi dans la société. Nous suggérons à nos frères et sœurs musulmans d’examiner attentivement le contenu théologique de leurs prédications, car nous pensons que certains de leurs enseignements encouragent la violence ». Dans ce contexte, l’évêque propose de « rechercher un dialogue au niveau national sur les causes du fondamentalisme islamique et du terrorisme ».

Mgr Anagbe suggère également de mettre en place un programme de réconciliation qui recherche la vérité et la justice. « Les chefs religieux du pays devraient faciliter ce processus ».

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