Le cadre juridique de la liberté religieuse et son application effective
La Constitution russe du 12 décembre 1993 dispose, aux articles 14 et 28, que la Fédération de Russie est un État laïque qui garantit la liberté de religion ou de croyance. L’article 14, alinéa 1er, dispose : « La Fédération de Russie est un État laïque. Aucune religion ne peut être établie en tant que religion d’État ou religion obligatoire ». L’article 14, alinéa 2, dispose que « les associations religieuses sont séparées de l’État et sont égales devant la loi ». L’article 28 dispose : « A chacun est garanti la liberté de conscience et de religion, y compris le droit de professer et pratiquer individuellement ou avec d’autres toute religion ou de n’en professer et pratiquer aucune, de choisir, d’avoir et de diffuser librement des convictions religieuses et autres ou d’agir conformément à celles-ci ».
L’article 19, alinéa 2, garantit l’égalité des droits et des libertés de l’homme et du citoyen, indépendamment de la religion ou des croyances, ajoutant que « toute forme de limitation des droits du citoyen selon des critères d’appartenance sociale, raciale, nationale, de langue ou de religion est interdite ».
L’article 13, alinéa 5, et l’article 29, alinéa 2, interdisent la promotion de la haine sur la base de quatre différents motifs. L’article 13, alinéa 5, dispose qu’il est « interdit d’inciter à la discorde sociale, raciale, ethnique et religieuse ». L’article 29, alinéa 2, dispose qu’est « interdite la propagande ou l’agitation incitant à la haine et à l’hostilité sociale, raciale, nationale ou religieuse » et que la propagande relative à une supériorité sociale, raciale, nationale, religieuse ou linguistique est interdite.
L’article 30, alinéa 1er, dispose que « chacun a le droit de s’associer ».
L’article 59, alinéa 3, accorde le droit à l’objection de conscience au service militaire. Il dispose : « Le citoyen de la Fédération de Russie, lorsque ses convictions et ses croyances sont contraires à l’accomplissement du service militaire, ainsi que dans les autres cas fixés par la loi fédérale, a le droit de le remplacer par un service civil alternatif ».
En janvier 2020, des modifications à la Constitution de 1993 ont été proposées, confirmées par le Parlement russe, et afin de leur conférer une légitimité publique, un référendum a été organisé pour permettre aux électeurs russes d’approuver les modifications constitutionnelles. Selon la Commission électorale centrale de Russie, le 1er juillet 2021, avec un taux de participation de 65% des électeurs inscrits, les résultats ont indiqué que 78% d’entre eux avaient voté pour. Parmi plus de deux cents amendements, l’un d’eux souligne l’histoire ancestrale de la Russie et les « idéaux et la foi en Dieu » transmis par les ancêtres du pays. C’est la seule référence explicite à Dieu dans la Constitution et, selon une décision de la Cour constitutionnelle, la référence à Dieu ne contrevient ni à la nature laïque du gouvernement ni à la liberté de religion, mais souligne le « rôle socioculturel de la religion dans la formation et le développement de la nation ».
Parmi les autres changements constitutionnels figure la reconnaissance de la Fédération de Russie comme successeur de l’Union soviétique : « La Fédération de Russie est le successeur légal de l’URSS sur son territoire et également le successeur légal de l’URSS en ce qui concerne l’adhésion aux organisations internationales et à leurs organes, la participation aux traités internationaux, et en ce qui concerne les obligations et avoirs de l’URSS en dehors du territoire de la Fédération de Russie découlant des traités internationaux » (article 67.1, alinéa 1er). La déclaration suppose non seulement une succession légale (y compris en ce qui concerne le territoire de l’ex-Union soviétique), mais aussi, dans le deuxième paragraphe, que la Fédération de Russie se reconnaisse comme un continuateur de la tradition millénaire de la Sainte Russie : « La Fédération de Russie, unie par une histoire millénaire, préservant la mémoire de ses ancêtres qui nous ont transmis des idéaux et la croyance en Dieu, ainsi que la continuité du développement de l’État russe, reconnaît l’unité de l’État historiquement formé » (article 67.1, alinéa 2).
La loi de 1997 sur la liberté de conscience et d’association religieuse (avec des amendements en 2019 et en 2021) est le principal pilier de la législation dans le domaine de la religion.
Dans son préambule, le droit individuel à la liberté de conscience, à la liberté de confesser une religion et à l’égalité devant la loi indépendamment de l’appartenance religieuse et des convictions est confirmé. Cependant, en ce qui concerne les religions, la loi reconnaît quatre « religions traditionnelles » : le christianisme (au sens de l’Église orthodoxe russe), l’islam, le judaïsme et le bouddhisme. À des fins pratiques, l’Église catholique romaine et l’Église luthérienne sont généralement considérées comme des religions traditionnelles russes, et sont invitées à participer aux manifestations officielles. La loi souligne le rôle particulier de l’Église orthodoxe russe, en raison de sa contribution historique à la spiritualité et à la culture du pays.
La loi établit trois différentes catégories d’entités religieuses : les groupes religieux, les organisations religieuses locales et les organisations religieuses centralisées (article 6).
De facto, les groupes religieux ont le droit de célébrer des rituels religieux et des cérémonies, d’organiser des offices religieux et d’enseigner leurs doctrines religieuses. Ils ne sont pas enregistrés auprès du gouvernement et n’ont donc pas la personnalité juridique. Néanmoins, lorsqu’un groupe démarre ses activités, il doit en informer les autorités locales. Le groupe ne peut pas ouvrir de compte en banque, construire, acheter ou louer des locaux, publier ou importer du matériel religieux, bénéficier d’avantages fiscaux ou fournir des services cultuels dans les prisons, les hôpitaux publics ou les forces armées (article 7).
Pour être reconnu comme organisation religieuse locale, un groupe religieux doit être composé d’au moins 10 personnes âgées de plus de 18 ans qui résident de façon permanente dans une région donnée. Son enregistrement doit avoir lieu aux niveaux fédéral et local. Une organisation religieuse locale peut ouvrir un compte en banque, acheter, posséder ou louer des bâtiments à des fins religieuses, acquérir, importer, exporter et diffuser de la littérature religieuse, bénéficier d’avantages fiscaux et autres, accomplir des offices cultuels dans les prisons, les hôpitaux et les forces armées, etc.
Les organisations religieuses centralisées doivent se composer d’au moins trois organisations religieuses locales pour pouvoir être enregistrées. Elles jouissent des mêmes droits que les organisations religieuses locales. Après 50 ans d’existence et d’activité dans le pays, elles peuvent inclure le mot « Russie / russe » dans leur titre officiel (article 8, alinéa 5). En outre, elles peuvent également fonder des organisations religieuses locales qui leur sont affiliées, sans aucune période d’attente.
L’enregistrement d’une organisation religieuse locale ou d’une organisation religieuse centralisée exige qu’une association fournisse : « une liste des fondateurs et de l’organe directeur de l’organisation, avec des adresses et des informations sur leurs passeports ; la charte de l’organisation ; le procès-verbal de la réunion fondatrice ; une certification de l’organisation religieuse centralisée (s’il s’agit d’une organisation religieuse locale) ; une description de la doctrine, des pratiques, de l’histoire et des attitudes de l’organisation en matière de famille, de mariage et d’éducation ; l’adresse officielle de l’organisation ; un certificat de paiement des taxes gouvernementales ; et une charte, ou des documents d’enregistrement de l’organe directeur, dans le cas des organisations dont les bureaux principaux sont situés à l’étranger ».
Avant qu’un aumônier officiel pour un groupe religieux spécifique puisse être nommé, le ministère de la Défense exige que les membres de ce groupe religieux représentent au moins 10% d’une unité militaire.
Le 6 juin 2016, la loi de 1997 a été modifiée par l’ensemble de lois dites « Yarovaya » (374-FZ et 375-FZ). La députée Irina Yarovaya et le sénateur Victor Ozerov ont présenté un projet de législation antiterroriste et de lutte contre l’extrémisme. En Russie, la menace de l’extrémisme et du terrorisme est réelle. Cela est dû à deux faits, à savoir d’une part les tentatives de radicalisation de la communauté musulmane russe venues de l’étranger, et d’autre part la situation politique de la Russie, impliquée dans les conflits armés, précédemment en Tchétchénie et en Géorgie, actuellement en Ukraine et, dans une moindre mesure, en Syrie. Néanmoins, cette menace réelle est souvent un prétexte pour des actions qui visent à renforcer la sécurité du pouvoir en place et à assurer la stabilité sociale en limitant les libertés civiles et en intensifiant la surveillance. Dans le cadre de la politique russe de « sécurisation », la compétence des services spéciaux est élargie presque chaque année, des efforts étant déployés pour « contrer l’agression occidentale en matière d’information ». Une stratégie 2017-2030 pour le développement d’une société de l’information en Fédération de Russie, adoptée en 2017, montre que l'objectif politique n’est pas uniquement d’assurer la sécurité. Le document met également l’accent sur « les valeurs spirituelles et morales traditionnelles russes et le respect des normes comportementales [correspondantes] dans l’utilisation des technologies de l’information et de la communication ». Le concept russe de sécurité couvre ainsi à la fois la sécurité matérielle et la sécurité culturelle, associées à la permanence de l’orthodoxie. Pour cette raison, les groupes religieux « étrangers », même s’ils ne représentent aucune menace matérielle, sont considérés comme les représentants d’une culture étrangère, parfois hostile.
Les amendements Yarovaya ont renforcé les restrictions dans le domaine religieux résultant des lois anti-extrémisme. Selon ces amendements, les « activités missionnaires » ont été redéfinies en interdisant de prêcher, prier, diffuser du matériel religieux et répondre à des questions en matière religieuse à l’extérieur des locaux prévus à cet effet, en particulier dans les locaux d’habitation (article 24, alinéa 1er, points 2 et 3). Toute activité missionnaire dans les locaux, dans les bâtiments et structures appartenant à une autre association religieuse, ainsi que sur le terrain sur lequel ces bâtiments et structures sont situés, est interdite sans le consentement écrit de l’organe directeur de l’association religieuse concernée (article 24, alinéa 1er, point 4). À travers un autre amendement, une procédure bureaucratique est mise en place pour les activités missionnaires (article 24, alinéa 2, points 3-5). Dans ce cadre, les Russes doivent obtenir un permis gouvernemental par l’intermédiaire d’une organisation religieuse enregistrée pour partager leurs croyances et effectuer leurs activités missionnaires. Ces restrictions s’appliquent également aux activités ayant lieu dans les résidences privées et en ligne (article 24, alinéa 1er, point 1). En outre, enseigner l’Évangile dans la rue ou prier collectivement dans des maisons privées, une pratique courante pour de nombreuses confessions protestantes, est généralement interdit.
Il existe également des restrictions aux activités religieuses entreprises par les étrangers. La loi Yarovaya dispose que les missionnaires étrangers doivent prouver qu’ils ont été invités par une organisation religieuse enregistrée par l’État, et ne peuvent opérer que dans les régions où leurs organisations sont enregistrées (article 24, alinéa 2, points 3-4). Les personnes reconnues coupables d’avoir violé la loi contre l’extrémisme sont passibles d’amendes pouvant aller jusqu’à 780 dollars pour un individu et jusqu’à 15 500 dollars pour un groupe ou une organisation. Les ressortissants étrangers peuvent également être expulsés. Pour plus de détails sur la loi Yarovaya, veuillez consulter le rapport 2021 de l’AED sur la liberté religieuse dans le monde.
Le 5 avril 2021, le Président Vladimir Poutine a signé des amendements à la loi de 1997 sur la liberté de conscience et d’association religieuse, exigeant une certification par la Russie du clergé et du personnel religieux formé dans des organisations éducatives étrangères, afin de le soumettre à des programmes professionnels supplémentaires (y compris une formation « dans le domaine des bases des relations entre l’État et les confessions »), d’interdire que des groupes religieux soient dirigés par des personnes considérées comme extrémistes ou terroristes, et d’imposer des rapports plus fréquents. Comme l’a exprimé Sergueï Gavrilov, président du Comité de la Douma d’État pour le développement de la société civile et les questions relatives aux associations publiques et religieuses, l’exigence d’une formation et d’une certification supplémentaires du clergé formé à l’étranger « vise à protéger la souveraineté spirituelle de la Russie ».
Loi sur le blasphème
Le 29 juin 2013, une loi dite sur le blasphème a été promulguée, rendant illégales les activités visant à offenser les sentiments religieux des croyants. L’article 148 du Code pénal prévoit une amende, ou jusqu’à un an d’emprisonnement ou de travaux forcés, pour « les actes faisant preuve d’un manque de respect envers la société, s’ils sont exécutés dans le but d’insulter les sentiments religieux des croyants ». Auparavant, « l’insulte aux sentiments religieux » avait déjà été pénalisée par l’article 5.26 du Code des infractions administratives, rarement appliqué. Lorsque l’infraction est devenue un délit en juillet 2013, cet article a été modifié pour couvrir « la profanation publique délibérée de la littérature religieuse ou liturgique, des objets de vénération religieuse, des signes ou emblèmes de symboles et accessoires idéologiques, ou leur endommagement ou destruction ». Les pénalités associées sont passées d’une amende de 500 à 1 000 roubles à une amende de 30 000 à 50 000 roubles ou un travail forcé pouvant aller jusqu’à 120 heures, et pour les fonctionnaires, de 100 000 à 200 000 roubles (chiffres de 2020).
Selon un rapport préparé par le Global Legal Research Center, la plupart des affaires en matière de blasphème sont traitées en application de l’article 282 du Code pénal, qui interdit « les actions visant à inciter à la haine [ou] à l’hostilité ou à diminuer la dignité d’une personne ou d’un groupe de personnes en raison de leur religion, [qui sont] menées publiquement, ou en utilisant les médias de masse, ou Internet ». Les sanctions prévues pour ces actions peuvent être différentes amendes, du travail obligatoire, une interdiction d’effectuer certaines activités professionnelles, ou une peine de prison pour une durée de deux à cinq ans.
Autres lois
La loi fédérale sur la lutte contre les activités extrémistes, adoptée le 25 juillet 2002, confère aux autorités le pouvoir de censurer la liberté religieuse et d’expression et de criminaliser un large éventail d’activités religieuses. L’article 13 de cette loi prévoit l’établissement d’une liste fédérale de matériel extrémiste interdit. Étant donné que n’importe quel tribunal peut ajouter des ouvrages à la liste fédérale, une interdiction judiciaire d’un ouvrage particulier dans une ville ou une région au motif qu’il a été jugé « extrémiste » peut être appliquée dans l’ensemble du pays. Au début de 2020, la Liste fédérale des ouvrages extrémistes, tenue par le Ministère de la Justice, contenait 5 018 éléments. En raison de l’énorme quantité de documents supplémentaires qualifiés d’extrémistes, il y a lieu de supposer que cela ait un effet dissuasif, car pratiquement n’importe quel discours est susceptible d’être poursuivi.
Incidents et développements
En novembre 2021, l’ONG de défense des droits humains Memorial a identifié 340 personnes persécutées en raison de leurs croyances religieuses, ce chiffre étant à comparer aux 228 cas identifiés pour toute l’année 2020.
Au cours des six premiers mois de 2021, parmi d’autres incidents de vandalisme à motivation religieuse, le Centre SOVA a signalé sept incidents de vandalisme sur des sites religieux – deux orthodoxes, deux juifs, deux païens et un protestant.
Le 15 novembre 2021, le département d’État américain a reconnu la Russie comme un pays particulièrement préoccupant en vertu de la loi Factsheet on International Religious Freedom Act « pour ses violations systématiques, continues et flagrantes de la liberté religieuse ». L’inclusion de la Russie sur cette liste est recommandée par la Commission des États-Unis sur la liberté religieuse internationale chaque année depuis 2017.
La plupart des violations de la liberté religieuse se produisent contre des personnes accusées de participer à des activités de groupes religieux interdits. Le nombre de ceux qui sont considérés comme « terroristes », « extrémistes » ou « non traditionnels » est considérable. Parmi les groupes musulmans identifiés comme terroristes figurent le groupe islamiste turc Saïd Nursi, le mouvement panislamiste sunnite Hizb ut-Tahir, le Parti de la renaissance islamique du Tadjikistan et le Tablighi Jamaat indien. Des groupes comme les Témoins de Jéhovah, le Falun Gong et l’Église de Scientologie sont interdits pour extrémisme, et certaines Églises évangéliques ciblées pour prosélytisme au motif qu’elles contreviennent aux lois anti-missionnaires Yarovaya comptent parmi les « organisations indésirables » interdites.
Parmi les organisations précitées, désignées comme terroristes, le groupe Hizb ut-Tahrir est particulièrement visé. Selon certains gouvernements occidentaux, Hizb ut-Tahrir se caractérise comme une organisation qui vise à établir un califat islamique, mais qui renonce à la violence. En revanche, le Counter Extremism Project suggère que, bien que son objectif déclaré soit de convertir pacifiquement les nations musulmanes aux systèmes politiques islamistes, « les membres du Hizb ut-Tahrir ont été liés à des actes de violence dans plusieurs pays ». Le groupe a été interdit en Russie par la Cour suprême en 2003. Entre janvier et novembre 2021, selon l’ONG Memorial, dix-huit personnes ont fait l’objet d’enquêtes ou de condamnations par les autorités russes pour participation présumée.
Parmi les groupes religieux classés comme extrémistes ou indésirables, les plus discriminés sont des groupes plus petits – principalement protestants – accusés d’activités missionnaires illégales pour lesquelles des amendes sont généralement infligées. Cependant, en 2021 le gouvernement russe a interdit quatre Églises pentecôtistes et interdit et dissous une Église orthodoxe non affiliée à l’Église orthodoxe russe.
Les témoins de Jéhovah sont toujours considérés comme une organisation extrémiste. En 2020, le Centre SOVA a signalé 146 affaires pénales contre ce groupe religieux. En 2021, au moins 142 Témoins de Jéhovah ont fait l’objet de poursuites pénales. Citons, à titre d’exemples, en 2022 Nikolai Stepanov et Yuri Baranov des témoins de Jéhovah, condamnés par le tribunal municipal de Vologda le 5 septembre 2022 pour avoir organisé des activités d’une organisation extrémiste. Nikolai Stepanov a été condamné à quatre ans de prison et Yuri Baranov à quatre ans de probation. Le 8 septembre 2022, après une descente de police dans 13 maisons appartenant à des Témoins de Jéhovah à Tcheliabinsk, l’un des adeptes, Dmitriy Dolzhikov, a été arrêté.
En février 2021, une assembleé locale de fidèles affiliée à l’Union des chrétiens-baptistes évangéliques a été interdite par le tribunal municipal d’Anapa. Le procureur a déclaré que de 2018 à 2020, le groupe avait évangélisé et distribué des documents sans l’approbation appropriée du Ministère de la Justice pour le kraï de Krasnodar. Ce groupe organisait régulièrement des offices pour près de 200 fidèles, mais aurait refusé de se faire enregistrer.
En février 2021, un chrétien de 63 ans du village de Kholmsk, dans le territoire de Krasnodar, a été condamné à une peine de 7 ans et demi de prison – la peine maximale possible – pour avoir organisé une étude de la Bible en ligne.
En mars 2021, un membre d’une Église baptiste évangélique de Novosergievka, dans l’oblast d’Orenbourg, a été accusé d’avoir mené des activités missionnaires illégales au regard de l’article 5.26 du Code des infractions administratives. Il aurait prêché et facilité la diffusion de tracts religieux entre le 23 novembre 2016 et le 9 décembre 2020. Bien qu’il ait nié avoir mené des activités missionnaires, il a été reconnu coupable et condamné à une amende. Le 29 décembre 2020, il avait tenté de régulariser les activités du groupe auprès du Ministère de la Justice.
En avril 2021, un pasteur de l’Union des chrétiens-baptistes évangéliques d’Obninsk, dans l’oblast de Kalouga, a été condamné à une amende pour activités missionnaires illégales en vertu de l’article 5.26 du Code des infractions administratives. Le domicile du pasteur Vitaly Glebov a reçu la visite d’agents du Service fédéral de sécurité après que plusieurs personnes qu’il ne connaissait pas eurent assisté à une étude de la Bible à son domicile le 13 janvier. Le vendredi 9 avril, il a été reconnu coupable et condamné à une amende. Le pasteur a déclaré qu’il ferait appel.
En mai 2021, l’Église du pain de vie des chrétiens de foi évangélique, à Kertch, en Crimée, a été reconnue coupable et condamnée à une amende pour diverses infractions administratives en vertu de l’article 5.26 précité, notamment pour avoir omis de mettre son nom officiel complet sur les vidéos qu’elle diffusait et sur les pages officielles de médias sociaux.
En août-septembre 2021, un gouvernement local de Samara a ordonné la démolition du lieu de culte de l’Église de la Bonne Nouvelle. Selon les autorités, l’église du village de Mekhzavod, qui appartient à un groupe pentecôtiste basé aux États-Unis, avait violé les règles d’urbanisme, et le changement d’affectation des terres d’un usage résidentiel à un usage religieux n’avait pas été enregistré. Le pasteur Igor Liashevsky a insisté sur le fait que le permis de construire avait été obtenu et que toutes les violations identifiées par les autorités avaient été corrigées.
En mars 2022, le prêtre orthodoxe russe Ioann Burdin du diocèse de Kostroma a été condamné par le tribunal à une amende pour un sermon dominical condamnant l’invasion russe de l’Ukraine. Le Père Burdin a insisté sur le fait que l’accusation était une violation de sa liberté religieuse, affirmant que la décision du tribunal était « une interdiction non seulement d’exprimer son opinion, mais aussi de professer ses croyances religieuses ».
De juin à juillet 2022, une enquête pénale a été ouverte contre le Père Nikandr Igoryevich Pinchuk pour avoir « discrédité » les forces armées russes, conformément à l’article 280.3, première partie, du Code pénal, introduit en mars 2022. Sur la plateforme de médias sociaux Baza, le Père Pinchuk, recteur de la paroisse Saint-Siméon Verkhotourski à Verkhotourié, a critiqué l’action militaire en Ukraine pour des raisons religieuses. Il a déclaré à Forum 18 : « Je suis prêtre et j’ai le droit de dénoncer le mal, quels que soient ses auteurs et la situation politique ». Le vendredi 1er juillet, son domicile a été perquisitionné et trois clés USB y ont été saisies. Il a ensuite été interrogé au bureau du Comité d’enquête. En mars 2022, le Père Ioann Burdin a été condamné à une amende pour avoir critiqué les actions russes en Ukraine et le bombardement d’églises orthodoxes.
Le 14 septembre 2022, la Cour suprême de Russie a identifié le Parti de la renaissance islamique du Tadjikistan comme une organisation terroriste et a interdit ses activités en Russie.
La liberté religieuse dans le contexte de l’agression russe contre l’Ukraine 2014-2022
L’agression de la Russie contre l’Ukraine a commencé le 24 février 2022. Cette date est reconnue non pas comme le début de la guerre, mais seulement comme la nouvelle étape d’une guerre commencée par la Russie en 2014 et interrompue en 2015. Étant donné que la communauté internationale ne reconnaît pas l’annexion illégale de la Crimée ni des territoires gagnés par l’invasion ultérieure de l’Ukraine, certaines informations relatives aux discriminations ou persécutions de certains fidèles et groupes religieux ainsi qu’à la destruction de biens religieux se trouvent dans le rapport sur l’Ukraine.
Perspectives pour la liberté religieuse
Les groupes religieux minoritaires ont fait l’objet de poursuites judiciaires en raison de ce que la Commission des États-Unis sur la liberté religieuse internationale a décrit comme « un éventail de lois problématiques ».
De nombreuses affaires ont été introduites en vertu de l’article 5.26 du Code des infractions administratives de la Fédération de Russie au cours de la période faisant l’objet du présent rapport – en particulier les sections quatre (« Russes menant une activité missionnaire ») et cinq (« Étrangers menant une activité missionnaire »). Cette loi a été introduite en 2016, dans le cadre du paquet Yarovaya de législation anti-extrémisme. Bien qu’il soit prétendument conçu pour protéger la liberté de conscience et le choix de la confession religieuse des individus en empêchant le prosélytisme agressif et intrusif, l’article 5.26 précité va beaucoup plus loin, restreignant les « activités missionnaires », y compris la prédication, la prière (dans certaines circonstances), la diffusion de matériel et la fourniture d’informations sur la religion à l’extérieur des lieux prévus à cet effet, en particulier dans les locaux résidentiels ou les lieux publics.
Les obstacles juridiques existants et croissants à la liberté religieuse, et l’application de plus en plus sévère de ces lois, indiquent une tendance négative inquiétante pour l’avenir de la liberté religieuse en Russie.