Le cadre juridique de la liberté religieuse et son application effective
Au cours de la période faisant l’objet du présent rapport, le Royaume-Uni a signé des conventions internationales relatives aux droits de l’homme, telles que la Convention européenne des droits de l’homme, qui l’ont obligé à respecter des engagements en matière de liberté religieuse et de conviction. La Convention européenne, qui énonce le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion (article 9), est pleinement incorporée dans le droit britannique. Selon des sources parlementaires, le projet de loi de 2022 sur le maintien du droit de l’UE (révocation et réforme) aura des « implications en matière de droits de l’homme ». Cependant, étant donné qu’il s’agit d’un « projet de loi-cadre qui confère des pouvoirs étendus aux ministres », il est très difficile à ce stade d’évaluer quelles seront ces implications et comment elles pourraient avoir une incidence potentielle sur la liberté de religion et de croyance.
L’Église d’Angleterre, en tant qu’Église institutionnelle de la plus peuplée des quatre nations, a dominé la vie religieuse publique depuis le XVIème siècle et jouit d’un petit nombre de privilèges juridiques, par exemple 26 évêques anglicans siègent à la Chambre des Lords du Parlement britannique. L’Église presbytérienne d’Écosse est également une institution officielle. Cependant, il ressort du recensement de 2021 pour l’Angleterre et le Pays de Galles que le nombre de personnes s’identifiant comme chrétiennes est tombé en dessous de 50%, à savoir à 46,2%, pour la première fois de l’histoire (bien qu’il soit considérablement plus élevé en Irlande du Nord où 79,7% des habitants se sont identifiés comme chrétiens). En effet, la fréquentation régulière de l’Église a chuté de façon spectaculaire à la fin du 20ème siècle. En réponse aux données du recensement, Mgr Stephen Cottrell, archevêque anglican de York, a déclaré : « Nous avons laissé derrière nous l’époque où de nombreuses personnes s’identifiaient presque automatiquement comme chrétiennes ».
À l’exception de l’Écosse, où « l’observance religieuse » doit avoir lieu six fois par an, toutes les écoles publiques doivent tenir chaque jour une assemblée scolaire (« School assembly »). En Angleterre, la majorité des assemblées scolaires doit avoir « un caractère largement chrétien », mais il n’est pas nécessaire qu’il en soit ainsi pour chaque assemblée, et les assemblées peuvent largement refléter d’autres traditions religieuses. Les parents ont le droit de retirer leurs enfants de ces activités, et en Angleterre et au Pays de Galles, les élèves de sixième année (ceux âgés de 16 à 18 ans qui étudient en vue du « niveau A », équivalent du baccalauréat ou d’une qualification similaire) peuvent également refuser d’y participer.
Les écoles publiques sont également légalement tenues de fournir des cours d’instruction religieuse – ce qui implique l’étude du christianisme et d’autres religions du monde. En Angleterre, les parents peuvent retirer leurs enfants de ces cours, et les élèves âgés de 14 ans et plus peuvent s’en exempter eux-mêmes. Le gouvernement gallois a supprimé en 2022 le droit des parents et des élèves plus âgés de s’en exempter, malgré une évaluation d’impact de janvier 2020 notant que la « décision de ne pas inclure un droit de retrait [...] aura un impact négatif sur certains groupes religieux ».
Le gouvernement britannique a pris des mesures pour soutenir la liberté de religion ou de conviction au cours de la période faisant l’objet du présent rapport, accueillant la Conférence ministérielle internationale de 2022 sur la liberté de religion ou de conviction à Londres du 5 au 7 juillet, sur le thème de « l’action mondiale accrue en faveur de la liberté de religion ou de conviction (FoRB) pour tous ». Les gouvernements nationaux représentés à la conférence ont été invités à cosigner une déclaration générale de la conférence et sept déclarations thématiques relatives à la liberté de religion ou de conviction. La plupart d’entre elles ont été bien accueillies, mais la « déclaration sur la liberté de religion ou de conviction et l’égalité des sexes » a vu un certain nombre de groupes demander que la clause engageant les signataires à contester les lois qui « restreignent la jouissance pleine et égale par les femmes et les filles de tous les droits humains, y compris la santé et les droits sexuels et reproductifs, l’autonomie corporelle » soit modifiée. Cependant, Humanists UK s’est opposé à sa révision, organisant une lettre ouverte à Liz Truss, alors secrétaire d’État aux Affaires étrangères, aux Affaires du Commonwealth et du Développement, pour l’exhorter à conserver le texte original et à placer la question dans le contexte du débat qui a suivi l’annulation par la Cour suprême des États-Unis de Roe v Wade. Cet épisode a mis en évidence des différences significatives – voire névralgiques – entre les différentes parties prenantes de la communauté en ce qui concerne la liberté de religion ou de conviction, ce qui soulève des questions quant à la raison pour laquelle un domaine controversé comme « la santé et les droits reproductifs » a été inclus dans une initiative visant à obtenir un large soutien.
Incidents et développements
Selon la dernière évaluation du Pew Forum, les hostilités sociales à motivation religieuse sont restées élevées au Royaume-Uni – et en effet, les données gouvernementales ont largement soutenu cette analyse. Reflétant une croissance générale des crimes de haine en Angleterre et au Pays de Galles, les chiffres du ministère de l’Intérieur ont noté que d’avril 2021 à mars 2022, les crimes de haine à motivation religieuse avaient augmenté de 37%, pour atteindre 8 730 infractions. Il s’agit d’une augmentation par rapport aux 6 383 crimes commis au cours de la période de référence précédente (d’avril 2020 à mars 2021) et « du plus grand nombre de crimes de haine religieuse enregistrés depuis le début de la série d’enregistrements au cours de l’exercice se terminant en mars 2013 ». En Écosse, la tendance a été différente car 512 accusations de crime aggravé par le facteur religieux ont été signalées en 2021-2022 – soit une baisse de 16% par rapport à 2020-2021 – ce qui a représenté le chiffre le plus bas depuis 2004-05. Le sectarisme reste un problème majeur en Écosse et en Irlande du Nord. Le service de police d’Irlande du Nord a signalé 856 crimes ou incidents à caractère sectaire pour la période allant d’octobre 2021 à septembre 2022, contre 802 pour 2020-2021. Le niveau d’incidents à caractère sectaire a été le plus élevé enregistré pour une période de 12 mois glissants depuis 2016. Au cours de la dernière période, la police a en outre noté 35 crimes à motivation religieuse qui n’ont pas pu être attribués au sectarisme, contre 54 au cours de la période précédente.
A)Judaïsme
La crise israélo-palestinienne de mai 2021 a entraîné « la période de haine anti-juive la plus intense observée au Royaume-Uni ces dernières années » que le Community Security Trust (CST) ait enregistrée. (La crise au Proche-Orient a vu le Hamas et le Jihad islamique palestinien lancer plus de 2 900 attaques au mortier, qui ont tué 10 personnes, dont deux enfants, à la suite de manifestations et de tensions croissantes à Jérusalem-Est. En réponse à ces attaques, 950 frappes aériennes sur la bande de Gaza ont été menées par les Forces de défense israéliennes (FDI). Elles ont détruit totalement ou partiellement 40 écoles et quatre hôpitaux, entre autres bâtiments, et ont tué 181 personnes, dont 52 enfants). Comme les juifs britanniques étaient pris comme boucs émissaires ou encore, selon Tsahal, ciblés de manière déraisonnable, le CST a enregistré 628 incidents de haine au cours de la période allant du 8 mai au 7 juin 2021 – le nombre le plus élevé enregistré pour une période d’un mois. 585 d’entre eux « ont impliqué du vocabulaire, des images ou des comportements liés au conflit en Israël et à Gaza ». Parmi les incidents survenus au cours de cette période, on compte une agression violente contre le rabbin Rafi Goodwin, qui a été blessé à la tête au cours d’une attaque devant la synagogue unie Chigwell & Hainaut, et le cas d’une femme juive dont la voiture a été poursuivie et percutée par un véhicule arborant des drapeaux palestiniens à Hendon, au nord-ouest de Londres. 360 des incidents enregistrés se sont produits dans le Grand Londres. Par exemple, alors que des écolières juives étaient dans un bus, elles ont été insultées par un élève d’une autre école qui leur a crié « Free Palestine and f*ck Israel » et « Stupid Jews ». Face à de tels événements, il n’est peut-être pas surprenant que le CST ait enregistré 2 255 incidents antisémites pour 2021, le plus grand nombre jamais enregistré par l’organisation pour une seule année civile.
Le CST a également enregistré 786 incidents antisémites au cours des six premiers mois de 2022. Les données suggèrent que les crimes de haine contre la communauté juive continuent d’augmenter, car « plus de 100 incidents antisémites ont été enregistrés chaque mois, de janvier à juin 2022, poursuivant la tendance historiquement haussière du nombre d’incidents antisémites enregistrés ces dernières années ». Il y a eu 49 menaces directes contre des membres de la communauté juive au cours de cette période, y compris une menace contre des conjoints alors qu’ils se rendaient à pied à une gare de Londres. Alors qu’ils avançaient, un homme est venu vers eux et a commencé à crier : « Je vous hais f*ck*ng juifs avec votre nez crochu, je veux vous frapper ». Ignorant la menace, le couple a continué d’avancer, mais a été suivi. Se rapprochant, l’homme « a mis sa main sous sa ceinture comme pour sortir un couteau » en disant « I will shank you » (« shank » étant un terme d’argot américain pour dire trancher ou poignarder).
En avril 2022, le secrétaire à l’Éducation, Nadhim Zahawi, a exprimé ses inquiétudes au sujet de « l’antisémitisme systémique » au sein de l’Union nationale des étudiants (NUS). Cela faisait suite à l’inquiétude exprimée par l’Union des étudiants juifs à propos du fait que celle qui était alors la présidente élue de la NUS, Shaima Dallali, avait tweeté en 2012 un cri de guerre islamique lié à un massacre historique de Juifs : « Khaybar Khaybar O Juifs... L’armée de Mahomet reviendra à Gaza ». Mme Dallali s’est excusée pour le tweet vieux de dix ans, en disant : « Je ne suis pas la même personne que j’étais ». La NUS a mis en place une enquête indépendante sur l’antisémitisme au sein de l’organisation dirigée par Rebecca Tuck, Conseil de la Reine (Queen’s Counsel). En septembre 2022, Mme Dallali a été suspendue après la conclusion de la première étape de l’enquête. La Fédération des associations musulmanes étudiantes a décrit sa suspension comme « une extension claire de l’islamophobie institutionnelle dans le secteur de l’éducation ». En novembre 2022, la NUS a résilié le contrat de Mme Dallali après que l’enquête eut révélé des « violations importantes des politiques de la NUS ».
Les éditions précédentes du Rapport sur la liberté religieuse dans le monde ont révélé qu’un certain nombre d’écoles juives classées comme exceptionnelles les années précédentes avaient été rétrogradées à inadéquates, souvent parce que le bureau des normes en matière d’éducation [Office for Standards in Education, Children’s Services and Skills (OFSTED)] avait déclassé les écoles confessionnelles parce que leurs opinions religieuses étaient en conflit avec ce qui est souvent perçu comme les normes sociétales actuelles, en particulier dans les domaines du genre et de la sexualité. L’OFSTED a perdu un réexamen judiciaire alors qu’il avait rétrogradé le lycée King David de Crumpsall, à Manchester, de « exceptionnel » à « inadéquat » lors d’une inspection de 2019, au motif que l’enseignement aux garçons et aux filles dans des filières distinctes constituait une « discrimination ». Cependant, en mars 2022, l’OFSTED a réimposé à l’école des mesures spéciales après qu’un nouveau rapport eut jugé l’école à nouveau « inadéquate ». Là encore, l’OFTSED avait des inquiétudes en ce qui concerne l’enseignement non mixte. Joshua Rowe, président des gouverneurs, a déclaré que le nouveau rapport de l’OFTSED « présente une image de l’école méconnaissable pour ceux qui la connaissent », ajoutant : « Dès le premier matin de l’inspection, le message du personnel et des élèves était que les inspecteurs semblaient déterminés à trouver des fautes plutôt qu’à mener une inspection impartiale ». Confronté à un autre rapport négatif de l’OFSTED, après une visite de deux jours en juillet 2022, Jonathan Dover, président par intérim des gouverneurs, a déclaré que l’école avait « travaillé assidûment pour répondre aux demandes de l’OFTSED ».
L’éducation a également été la question clé lorsque des juifs haredim ont arboré l’étoile jaune – du genre de celle que les juifs avaient été forcés de porter sous le régime nazi en Allemagne – dans le cadre d’une manifestation devant la Conférence ministérielle internationale de 2022 sur la liberté de religion ou de conviction. Environ 200 manifestants ont exprimé leur opposition au projet de loi du gouvernement sur les écoles qui obligerait les yeshivot – écoles juives traditionnelles axées sur la littérature rabbinique – à enseigner des matières laïques et à être placées sous la supervision de l’OFSTED. Alors que certains juifs d’autres tendances ont critiqué l’absence d’un programme scolaire moderne, les yeshivot bénéficient toujours d’un large soutien au sein de la communauté haredi. La manifestation visait à souligner la disparité entre le gouvernement britannique qui accueille une réunion internationale sur la liberté de religion ou de conviction et les réglementations auxquelles sont confrontées les yeshivot en vertu de la nouvelle loi. Défendant l’utilisation d’étoiles jaunes dans la manifestation, le rabbin Chaim Sofer a exprimé les vifs ressentiments que les propositions avaient suscités : « L’Allemagne nazie voulait détruire le corps juif. Le gouvernement britannique veut détruire les âmes juives ». Il a ajouté : « En 2022, ils ne peuvent pas construire de chambres à gaz, mais ils détestent le Talmud et nos traditions ».
B)Islam
Alors que 23% des crimes de haine à motivation religieuse en Angleterre et au Pays de Galles (2021-2022) ciblaient des membres de la communauté juive, 42% ont été subis par des musulmans, avec 3 459 incidents enregistrés. Les fidèles musulmans continuent de subir une incidence élevée de harcèlement, et un rapport publié en juillet 2022 par l’Université de Kent et l’organisation caritative Belong a noté que 73% des musulmans britanniques avaient déclaré subir une forme de discrimination. Soulignant l’intersectionnalité dans les incidents de discrimination, les chercheurs ont constaté que 85% des musulmanes âgées de 18 à 30 ans avaient déclaré avoir été victimes de discrimination.
Une autre étude a révélé que 42% des mosquées ou des centres islamiques interrogés avaient subi des attaques à motivation religieuse au cours des trois dernières années, la forme d’attaque la plus courante étant le vandalisme. Peut-être plus inquiétant sont les données qui montrent que dans 17% des mosquées qui ont subi des attaques au cours de cette période, une forme d’agression physique a eu lieu – et même, dans un cas, l’attaque au couteau d’un imam. Pour ne donner qu’un exemple de telles agressions, en mai 2021, pendant le ramadan, cinq fidèles du Centre islamique d’Ilford ont été bombardés d’œufs et de pierres alors qu’ils quittaient le bâtiment à 23 heures après les prières de Tarawieh. Les fidèles ont été pris pour cible par les auteurs des faits alors qu’ils passaient dans un break argenté.
Le sentiment antimusulman a également été un facteur clé lorsqu’une bombe incendiaire a été lancée sur un poste de contrôle de l’immigration de la Force frontalière à Douvres le dimanche 30 octobre 2022, ce qui a fait la une des journaux nationaux. Une heure avant l’attaque, l’auteur des faits, Andrew Leak, 66 ans, a tweeté : « Nous allons les anéantir, les enfants musulmans sont maintenant notre cible. Et là, ces femmes dégoûtantes seront ciblées, mères et sœurs brûlées vives » [sic]. M. Leak avait déjà tweeté son soutien à des groupes d’extrême droite.
Toujours en octobre 2022, le gouvernement britannique a abandonné son projet de publier une définition officielle de l’islamophobie. Cela avait d’abord été évoqué après qu’une définition de l’islamophobie élaborée par le Groupe parlementaire multipartite sur les musulmans britanniques – un groupe de députés de différents partis – eut été rejetée par le gouvernement en mai 2019, craignant qu’elle ne soit trop vague. L’imam Qari Asim MBE, vice-président du groupe de travail anti haine antimusulmane du gouvernement britannique, a été nommé pour diriger les travaux sur une définition de l’islamophobie, mais le projet a été mis en attente pendant le mandat de Boris Johnson comme Premier ministre. L’imam Asim a déclaré qu’il n’avait reçu ni ressource ni cahier des charges et a affirmé que des lettres aux ministres étaient restées sans réponse, dont une à Michael Gove, secrétaire d’État au relèvement, au logement et aux communautés, pour lui demander une réunion. M. Gove a limogé l’imam en juin 2022 après qu’il eut été accusé de soutenir « une campagne visant à limiter la liberté d’expression », parce qu’il s’était impliqué dans des manifestations contre la projection du film « La Dame du Ciel ». Le film dépeignait la vie de Fatima, fille du prophète musulman Mahomet, d’un point de vue chiite. L’imam Asim a déclaré que le film « risquait d’alimenter l’extrémisme et les tensions dans les communautés, ce qui saperait la cohésion de la société britannique ».
Anna Firth, députée conservatrice de Southend West, s’est dite préoccupée par le fait que, malgré un engagement pris en 2014, le ministère de l’Éducation n’avait pas avancé dans ses plans visant à fournir un financement conforme à la charia aux étudiants musulmans faisant des études supérieures, comme alternative au système actuel de prêts étudiants. Mme Firth a fait référence à une enquête qui a révélé que 4 000 étudiants musulmans n’étaient pas entrés dans l’enseignement supérieur en raison des dispositions financières.
C)Christianisme
Alors que les chrétiens d’Angleterre et du Pays de Galles ont subi moins de crimes de haine à motivation religieuse que les membres des communautés juive ou musulmane, 701 incidents (8% du nombre total de crimes) ont encore été enregistrés pour la période 2021-2022. En février 2022, le révérend Emyr Gwyn Evans a rapporté que des jeunes de Tumble, dans le Carmarthenshire, avaient bombardé sa maison avec des œufs et d’autres objets. La police a orienté deux des coupables – qui avaient qualifié ce pasteur non-conformiste de « détracteur de la Bible » – vers un programme visant à les empêcher de récidiver.
Une étude publiée en novembre 2021 a identifié 1 731 incidents de vandalisme ou de dommages criminels, dont des incendies criminels commis dans des églises au Royaume-Uni sur une période de douze mois. Parmi les attaques contre les églises au cours de la période faisant l’objet du présent rapport sur la liberté religieuse dans le monde, il y a eu l’incendie de la croix de bois à l’entrée de l’église St Mary à Riccall, dans le Yorkshire du Nord, le vendredi 24 juin 2022. La police a traité l’incident comme un crime de haine, car il semblait que le symbole religieux ait été délibérément ciblé.
Certains chrétiens ont connu des problèmes lorsque des points de vue fondés sur leur vision religieuse du monde sont entrés en conflit avec ce qui est perçu comme étant les normes sociétales actuelles. Dans ce contexte, les normes progressistes sont souvent perçues comme plus importantes que le droit des chrétiens d’exprimer ou d’articuler leurs points de vue. Cela concerne notamment la question contestée des zones tampons autour des cliniques d’avortement.
En septembre 2022, les whips du SNP (Parti national écossais) ont émis un avertissement écrit à John Mason, MSP (membre du Parlement écossais) de Glasgow Shettleston, pour avoir publié sur Twitter « Ces pancartes sont sûrement très gentilles et offrent de l’aide » et « Je ne vois aucun signe de haine ou de harcèlement dans ces pancartes », en réponse à des messages de condamnation des pancartes brandies lors d’une veillée devant une clinique d’avortement. Le SNP envisageait à l’époque d’introduire une législation introduisant des zones tampon. John Mason avait précédemment déclaré qu’il croyait personnellement que l’avortement était « rarement essentiel ou vital ». Les whips ont dit au parlementaire chrétien que, bien qu’il ait le droit de croire ce qu’il voulait, « la verbalisation de vos opinions a causé une grande détresse et un grand traumatisme à de nombreuses femmes et a également été considérée comme de la désinformation par les professionnels de la santé ».
Le 6 décembre 2022, Isabel Vaughan-Spruce a été arrêtée près de la clinique BPAS Robert à Kings Norton, Birmingham, et accusée d’avoir enfreint une ordonnance de protection de l’espace public qui avait mis en place une zone tampon. Une vidéo montre la police s’approcher d’elle, alors qu’elle se tient près de la clinique, et lui demander ce qu’elle fait là. Elle déclare qu’elle ne proteste pas, mais après un nouvel interrogatoire par les policiers, elle dit qu’elle a peut-être prié intérieurement. La police l’a alors arrêtée. Toute prière est définie comme une « protestation » en vertu de l’ordonnance de protection de l’espace public émise par le conseil municipal de Birmingham. Mme Vaughan-Spruce a été accusée d’avoir « protesté et commis un acte intimidant pour les utilisateurs de services », même si la clinique était fermée à ce moment-là.
Un certain nombre de prédicateurs de rue arrêtés en Angleterre ont été disculpés à la suite de leur arrestation. En octobre 2022, la police métropolitaine de Londres s’est excusée et a versé 10 000 £ d’indemnisation après avoir arrêté à tort l’évangéliste Hatun Tash à deux reprises. Lorsqu’elle a été arrêtée le 23 mai 2021, Mlle Tash, convertie de l’islam, était en train d’être harcelée par un groupe d’hommes musulmans au Speakers’ Corner de Hyde Park. Les policiers ont demandé aux deux hommes et à Mlle Tash de partir. Comme elle refusait, Mlle Tash a été arrêtée pour violation de la paix, et par la suite, elle a également été inculpée en vertu de l’article 4 de la loi sur l’ordre public. En novembre 2022, John Dunn a vu les accusations portées contre lui en vertu de l’article 5 de la Loi sur l’ordre public abandonnées. L’acte d’accusation reprochait à M. Dunn d’avoir déclaré à un couple de lesbiennes qu’il était « dit dans la Bible que les homosexuels n’hériteront pas du royaume de Dieu » (cf. 1 Corinthiens 6: 9-10) alors qu’il prêchait à Swindon. Le ministère public a affirmé qu’il avait enfreint la loi sur l’ordre public en ayant « offensé » et « bouleversé » ces femmes, mais ses avocats ont souligné que la loi plaçait la barre plus haut, ne criminalisant que les individus qui utilisent « des mots ou des comportements menaçants ou violents, ou un comportement désordonné ... si cela peut être vu ou entendu d’une personne susceptible d’être ainsi harcelée, inquiétée ou angoissée ». Le Service du procureur de la Couronne a en outre suggéré : « Il y a des références dans la Bible qui ne sont tout simplement plus appropriées dans la société moderne et qui seraient considérées comme offensantes si elles étaient énoncées en public ». Répondant au nom du Gouvernement de Sa Majesté, Lord Stewart of Dirleton a déclaré qu’à la suite d’un examen, le Service du procureur de la Couronne avait reconnu que la déclaration concernant la Bible avait été « inappropriée ».
Les chrétiens qui ont connu des problèmes dans le secteur de la santé se sont généralement retrouvés disculpés. En décembre 2021, un tribunal du travail a conclu que Mary Onuoha, infirmière catholique de 61 ans, avait été implicitement licenciée lorsque le NHS (National Health Service) l’a renvoyée pour avoir refusé d’enlever une petite croix qu’elle portait autour du cou en travaillant. De même, en novembre 2022, l’aumônier Derek Timms, âgé de 73 ans, a reçu des excuses publiques du Solihull Marie Curie Hospice où il était bénévole, après qu’un nouvel organisateur de l’aumônerie, le pasteur méthodiste Dee Yeadon, lui eut demandé d’enlever une croix d’un centimètre épinglée sur ses vêtements au motif que cela pourrait créer une barrière entre lui et les patients, et qu’il ne pourrait pas continuer à faire du bénévolat s’il la portait.
Perspectives pour la liberté religieuse
Les niveaux croissants d’hostilités sociales contre les membres de groupes religieux sont profondément préoccupants, car le Royaume-Uni a connu le plus grand nombre de crimes de haine à motivation religieuse depuis le début de leurs enregistrements. Compte tenu de cela, il semble y avoir peu de raisons d’espérer que la tendance s’inverse au Royaume-Uni au cours des prochaines années.
Un certain nombre d’incidents sont révélateurs d’une mentalité de guerre culturelle, où une partie joue un jeu à somme nulle, qui exige que l’autre partie capitule devant ses valeurs et ses normes. Cela semble s’infiltrer de plus en plus dans la société et colorer les relations avec les groupes religieux. Non seulement cela conduit à des réponses brutales de la part des autorités, mais cela encourage sans doute aussi une mentalité polarisante dans laquelle les groupes religieux sont considérés comme de « l’autre côté », ce qui conduit ensuite à des agressions et à des attaques contre les membres des communautés confessionnelles. Cependant, les cours et tribunaux ont confirmé les droits des croyants dans des situations où les autorités avaient pris des mesures pour les restreindre.
Bien qu’il y ait eu quelques signes positifs, tels que la réunion ministérielle sur la liberté de religion ou de conviction, dans l’ensemble le gouvernement britannique et les organes officiels ont manifesté une large incompréhension des questions religieuses dans un certain nombre de cas. Cela ressort clairement du traitement par l’OFSTED des écoles juives traditionnelles, et il est difficile de voir comment certains des problèmes rencontrés par les écoles de cette communauté, comme la King David High School, à Manchester, ne constituent pas des atteintes à la liberté religieuse.
Des stratégies visant à améliorer la compréhension de la religion parmi un large éventail d’autorités britanniques et à promouvoir une véritable cohésion communautaire sont nécessaires pour résoudre certains des problèmes décrits ci-dessus. Sans de telles initiatives, les perspectives pour la liberté religieuse ne peuvent être entièrement positives.