Le cadre juridique de la liberté religieuse et son application effective
La Constitution de la République démocratique du Congo (RDC) de 2006 soutient le caractère laïque de l’État et proclame le respect du pluralisme religieux. La Constitution interdit toute forme de discrimination « en raison de sa religion, […] de ses opinions ou de ses convictions politiques, de son appartenance à une race, à une ethnie, à une tribu, à une minorité culturelle ou linguistique » (article 13), et elle dispose que « toute personne a le droit de manifester sa religion ou ses convictions, seule ou en groupe, tant en public qu’en privé » (article 22). La liberté de construire des églises et de collecter des fonds pour des activités religieuses, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays, est reconnue. Tous les groupes religieux ont la liberté de faire du prosélytisme, y compris d’enseigner la religion aux enfants. Certains prédicateurs le font sur les marchés, aux carrefours des rues et dans les bus publics.
La religion est enseignée à l’école et fait partie du programme scolaire officiel. L’article 45 de la Constitution dispose que « les établissements d’enseignement national peuvent assurer, en collaboration avec les autorités religieuses, à leurs élèves mineurs dont les parents le demandent, une éducation conforme à leurs convictions religieuses ».
En 1977, le gouvernement de ce qui était alors la République du Zaïre (ancien nom de la RDC) a signé la Convention scolaire avec les communautés catholique, protestante, kimbanguiste et musulmane. En 2016, la République Démocratique du Congo a signé un accord-cadre avec le Saint-Siège sur des sujets d’intérêt commun, notamment « les institutions catholiques d’éducation, l’enseignement de la religion dans les écoles, l’activité d’aide et caritative de l’Église, l’accompagnement pastoral dans les Forces armées et dans les Institutions pénitentiaires et hospitalières, le régime patrimonial et fiscal, l’obtention des visas d’entrée et des permis de séjour pour le personnel religieux ».
Un certain nombre de groupes religieux dirigent un large éventail d’institutions telles que des écoles, des centres de soins de santé, des orphelinats et des médias. La plupart des chaînes de télévision et des stations de radio à Kinshasa appartiennent à différentes communautés chrétiennes.
Bien que l’État soit laïc, la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) et le Conseil œcuménique du Congo (COE) jouent un rôle important dans les affaires politiques, en prêtant attention aux domaines social, éducatif et économique.
En outre, Dieu est mentionné à l’article 74, et le Président élu doit jurer « solennellement devant Dieu et la nation », lors de son serment.
Incidents et développement
Au cours de la période faisant l’objet du présent rapport, les régions orientales de la République démocratique du Congo ont continué de souffrir du terrorisme, notamment d’enlèvements, d’atrocités et de meurtres, ainsi que de déplacements de population massifs particulièrement concentrés dans la région de Beni, au Nord-Kivu. Bien que les régions frontalières de l’est de la RDC abritent plus de 100 différentes milices, des attaques répétées et flagrantes contre des chefs religieux et des civils persistent de la part du groupe rebelle musulman, les Forces démocratiques alliées (ADF). Le groupe armé ADF, composé principalement de combattants de l’Ouganda et de RDC, a prêté allégeance à l’État Islamique en 2019, un groupe extrémiste islamiste au programme expansionniste. Le département d’État américain « a désigné le groupe comme une filiale de l’EI et une organisation terroriste étrangère (FTO) en 2021 ». L’impact sur la population civile a été catastrophique. Selon les registres des forces de maintien de la paix de l’ONU (MONUSCO), « les ADF ont tué plus de 1.300 civils en 2021, soit près de 50% de plus qu’en 2020 ». L’ONU a attribué d’éventuels « crimes contre l’humanité et crimes de guerre aux ADF, y compris des meurtres de civils, enlèvements et l’utilisation d’enfants soldats ».
Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA), « le Nord-Kivu compte 1,8 million de personnes déplacées internes et l’Ituri 1,7 million, dont un nombre disproportionné de femmes et d’enfants. Plus de cinq millions de personnes sont déplacées à travers la RDC, l’une des plus importantes populations déplacées internes sur le continent africain ».
Il y a eu de multiples attaques contre des militaires et des civils au cours de la période faisant l’objet du présent rapport (dont beaucoup attribuées aux ADF, bien que cette milice rende rarement publiques ses attaques). La liste des incidents n’est donc donnée qu’à titre indicatif :
Le 5 janvier 2021, au moins 22 civils ont été tués lors d’un raid nocturne mené par des extrémistes présumés des ADF contre un village de l’est de la RDC. 17 autres civils avaient été tués à coups de machette dans un village voisin la semaine précédente.
Le 14 janvier 2021, 46 civils ont été tués lors d’une attaque menée par des militants présumés des ADF contre un village de l’est de la République démocratique du Congo, a déclaré un haut responsable provincial.
Le 7 février 2021, au moins 12 agriculteurs du village de Mabule ont été tués pendant la nuit dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) par des combattants présumés des Forces démocratiques alliées (ADF).
Le 9 février, dix personnes ont été tuées avec des couteaux lors d’une attaque attribuée aux ADF à Kithovirwa, près de Mwenda.
Le 15 février, des islamistes présumés des ADF ont tué trois soldats et 13 civils et incendié une église catholique.
Le 16 février, au moins 10 personnes ont été tuées dans l’est de la République démocratique du Congo par des membres présumés de la milice ADF. Le HCR a déclaré : « plus de 2.000 civils ont été tués dans le Nord-Kivu et le Sud-Kivu et dans la province de l’Ituri » en 2020.
Le 24 mars, huit personnes ont été tuées lors d’une attaque menée par des hommes armés identifiés comme des rebelles des ADF dans le village d’Aveyi, à environ 15 kilomètres d’Oicha, la capitale du territoire de Beni. Vingt civils ont également été pris en otage.
Les 30 et 31 mars 2021, vingt-neuf civils ont été tués et cinquante autres enlevés lors d’attaques attribuées à des combattants des ADF dans les villages de Moliso, Beu-Manyama et Musangwa dans le territoire de Beni.
Le 7 avril, les évêques catholiques, à la suite d’un voyage d’information effectué en janvier au Nord-Kivu et en Ituri par une délégation conjointe de la conférence épiscopale et de l’Association des Conférences ecclésiastiques d’Afrique centrale (ACEAC), ont publié un communiqué appelant les dirigeants du pays à réorienter leur stratégie politique, militaire et humanitaire. Parmi les questions identifiées, les évêques ont également évoqué l’aspect religieux du conflit dans la région de Beni-Butembo (province du Nord-Kivu), soulignant « l’islamisation de la région comme une sorte de stratégie plus profonde pour une influence négative à long terme sur la situation politique générale du pays ». Les évêques ont cité des témoignages de prisonniers qui avaient échappé à la milice islamiste ADF, et qui ont confirmé « qu’ils avaient été contraints de se convertir à l’Islam ».
Le 30 avril 2021, le Président Félix Tshisekedi a déclaré l’état de siège dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri. Quelques heures après la déclaration, des militants armés ont tué 19 personnes lors d’attaques contre deux villages situés dans les provinces orientales.
Le 1er mai 2021, le Président de la Communauté musulmane du Congo (COMICO), cheikh Ali Amini, a été abattu par un groupe armé non identifié alors qu’il prêchait dans la mosquée principale de Beni. Le religieux était connu pour ses critiques du militantisme islamique. Bien qu’aucun groupe n’ait revendiqué la responsabilité du meurtre, les soupçons se sont portés sur les Forces démocratiques alliées (ADF). Le meurtre du cheikh pendant le mois de Ramadan a choqué la ville de Beni. Quelques semaines plus tard, après les prières du soir, un autre dirigeant musulman a été tué. Cheikh Djamali Moussa a été assassiné par un commando non identifié à Mavivi alors qu’il rentrait chez lui en arrivant de la mosquée. Cheikh Moussa était un représentant de la société civile à Mavivi et les deux imams étaient connus « pour leurs alertes régulières sur le mouvement des combattants des Forces démocratiques alliées (ADF) dans la région ».
Le 6 mai 2021, lors d’un entretien accordé à l’Aide à l’Église en Détresse, Mgr Paluku Sikuli Melchisédech, évêque du diocèse de Butembo-Beni, a dénoncé la réponse inefficace du gouvernement et des forces de l’ONU au terrorisme en cours dans l’est du pays, déclarant : « Des terroristes chassent de chez elles les populations autochtones, des trafiquants exploitent les ressources minières congolaises, sans être inquiétés ». L’évêque a noté : « Il existe un projet de grande envergure pour islamiser ou chasser les populations autochtones ». En guise de clarification, il a expliqué : « Tous ceux qui ont été kidnappés par ces groupes terroristes et qui en sont sortis vivants rapportent la même histoire. Ils ont eu le choix entre la mort et la conversion à l’Islam. On leur impose des noms musulmans, pour gommer leur identité ». Enfin, l’évêque a attiré l’attention sur les intérêts financiers dans la région et le rôle du Rwanda en déclarant : « On voit bien que l’islamisation n’est pas leur seule motivation ! Cette région regorge de ressources naturelles, et elles sont exploitées en toute illégalité. Comment expliquer autrement ces raffineries de coltan qui fonctionnent au Rwanda, alors que le pays ne possède pas cette ressource ? Ce minerai rare est extrait chez nous et envoyé en toute illégalité de l’autre côté de la frontière. Et je ne vois pas le gouvernement congolais s’en émouvoir ».
Le 13 mai, le mois de Ramadan a été marqué par des violences alors que des groupes musulmans rivaux se disputaient sur des questions concernant la succession des dirigeants au sein de la communauté musulmane et de la prière de l’Aïd dans un stade sportif. La Police nationale congolaise a cherché à contrôler la situation au moyen de gaz lacrymogènes et en tirant en l’air pour disperser les émeutiers. Selon les autorités, un policier a été tué, « une policière était dans un état critique et 46 autres personnes ont été blessées », dont une femme de 81 ans. Trente personnes ont été condamnées à mort comparution immédiate (la peine de mort n'est plus appliquée en RDC depuis un moratoire décidé en 2003, et systématiquement commuée en condamnation à la perpétuité).
Le 16 mai, 21 personnes ont été tuées par les ADF dans cinq villages de la chefferie de Babila Babombi. 52 autres personnes ont été prises en otage.
Le 30 mai 2021, des responsables locaux ont accusé le groupe militant ADF d’avoir tué au moins 50 personnes lors de deux attaques nocturnes dans la région troublée de l’est du pays.
Dimanche 27 juin 2021, une bombe a explosé près d’une église catholique dans la ville de Beni au Nord-Kivu, faisant des blessés et semant la panique au sein de la population.
Le 12 juillet, les corps de dix-huit civils, dont trois femmes et deux enfants, ont été découverts par des membres de la Croix-Rouge dans plusieurs villages de la chefferie de Walese Vonkutu, dans le territoire d’Irumu. La plupart des victimes ont été décapitées. Les victimes auraient été tuées par les rebelles des ADF, actifs dans la région.
Selon les estimations de 2021, au moins 7.500 personnes ont été enlevées dans la région. Une religieuse catholique, sœur Francine, a été enlevée à Goma le 8 juillet et libérée une semaine plus tard. La Conférence épiscopale nationale du Congo avait déjà publié en avril une déclaration exhortant les chefs du gouvernement à prendre des mesures contre cette tendance.
De nombreuses églises sont devenues la cible de vandalisme. Entre avril et juillet 2021, près de 10 églises ont subi des attaques et des destructions, en particulier dans la province du Kasaï. Le Premier ministre Jean-Michel Sama Lukonde a déclaré : « Le gouvernement de la République condamne fortement les actes de profanations, de violence et de vandalisme qui ont été observés à Kinshasa et à Mbuji Mayi contre l’Église catholique. Le vandalisme et la violence n’ont aucune place dans le Congo aujourd’hui ».
Le 1er août 2021, un groupe de jeunes a vandalisé la maison du Cardinal Fridolin Ambongo à Kinshasa et a vandalisé le siège de l’archidiocèse de Kinshasa.
Le 2 août 2021, des militants présumés des ADF ont enlevé et ligoté 14 personnes qui coupaient du bois près du village d’Idohu (Ituri). Les combattants ont exécuté les civils, leurs corps « alignés en travers de la route ».
Le 4 août, les évêques catholiques du Congo ont appelé à la fin des attaques visant « les paroisses, les grottes mariales, les autels et les sanctuaires » dans le diocèse de Mbujimayi. La conférence « condamne fermement ces actes de violence inadmissibles, qui constituent une atteinte grave à la liberté de religion et d’expression, mais aussi une violation de la démocratie ».
Le 22 août, des individus non identifiés ont pillé l’église catholique Saint-Paul, à Kamende. Une Bible a été brûlée et de nombreux objets ont été volés.
Le 27 août, selon l’ONU, des combattants présumés des ADF ont tué au moins 19 civils et en ont enlevé plusieurs autres à Kalunguta, dans le territoire de Beni.
Le 6 septembre, des miliciens présumés des ADF « armés de machettes, de bâtons et de gourdins ont tué au moins 30 villageois dans l’est de la République démocratique du Congo ».
Le 21 octobre, des miliciens présumés des ADF ont attaqué plusieurs villages de Kalembo, tuant au moins 16 civils dans trois villages.
Le 23 octobre, le pasteur d’une église baptiste et un responsable catholique ont été enlevés par des inconnus dans le quartier de Mwanzi, à Kisharu.
Le 21 novembre, un groupe armé a attaqué un camp de personnes déplacées à Drodro, tuant 44 personnes et détruisant plus de 1.200 abris.
Le 30 novembre, 26 personnes ont été tuées par un groupe armé dans le camp de personnes déplacées de Ndjala, dans la province d’Ituri. Selon le porte-parole du HCR Boris Cheshirkov, « dix femmes et neuf enfants figurent parmi les morts et 11 personnes ont été blessées. Les assaillants ont utilisé des fusils, des machettes et des couteaux ».
Entre le 10 et le 11 novembre, les ADF ont mené un raid sur le village de Ndalya, tuant une personne, en blessant deux autres et incendiant 24 maisons.
Début 2021, le groupe rebelle « Mouvement du 23 mars » (M23), dont les membres font principalement partie du groupe ethnique tutsi, frustré par « l’incapacité du gouvernement à respecter les accords sur la réhabilitation des anciens rebelles », a repris ses attaques contre des cibles militaires et civiles dans l’est de la RDC. Le 4 novembre, le président Félix Tshisekedi a appelé les jeunes à former des « groupes de vigilance » pour répondre aux activités des rebelles du M23.
Le 25 décembre 2021, une bombe a explosé le jour de Noël dans la ville de Beni, tuant au moins six personnes.
Le 15 janvier 2022, une milice appelée Coopérative pour le développement du Congo (CODECO) et le Front patriotique et intégrationniste du Congo (FPIC) ont attaqué un groupe du Renouveau charismatique catholique à Kokonyangi. Au moins 11 personnes ont été tuées.
Le 24 janvier, trois travailleurs humanitaires de l’ONG chrétienne Tearfund ont été enlevés à Malinde, et libérés le lendemain.
Le 2 février 2022, un groupe armé non identifié a tué le Père Richard Masivi dans une église catholique du village de Vusesa.
Le 2 février 2022, la milice CODECO a tué au moins 60 personnes déplacées, lors d’une attaque contre l’abri appelé « Plaine Savo » à Djugu, dans l’est de la province de l’Ituri, à l’aide de machettes et d’autres armes.
Le 31 mai 2022, l’État Islamique a revendiqué la responsabilité d’une attaque (qui aurait été menée par des membres des ADF ayant fait allégeance à l’État Islamique en 2019), au cours de laquelle près de 20 chrétiens ont été tués. Les miliciens auraient pris d’assaut le village de Bulongo dans la province du Nord-Kivu après la tombée de la nuit, « pillant des maisons, assassinant les habitants qui croisaient leur chemin et incendiant six véhicules ».
Le 22 juin 2022, plus de 10 chrétiens ont été tués près du village de Makisabo, à Beni, lorsque le groupe extrémiste islamiste ADF a tendu une embuscade à trois véhicules. Selon ce qui a été relaté, les militants « ont bloqué la route, tiré sur tous les passagers et incendié les véhicules ». Un évêque local a déclaré : « Nous savons que la situation de guerre au Congo est complexe, mais nous ne pouvons pas ignorer le fait que les groupes rebelles ciblent les chrétiens. Nous avons des preuves que les tueurs ont établi des liens avec l’État islamique, et des survivants nous ont avoué qu’on leur avait demandé de réciter la shahada s’ils voulaient survivre. Nous avons des pasteurs qui ont été tués pour avoir refusé de renier le Christ et de se faire islamiser. Nous demandons des prières et du soutien pour prendre en charge des millions de réfugiés, de veuves et d’orphelins ».
Du 2 au 5 juillet 2022, le Pape François devait se rendre en République démocratique du Congo. Cependant, le 13 juin, le pontife a été contraint de reporter son voyage apostolique en raison de problèmes de santé au genou. Le Pape a déclaré : « Nous vous recommandons de rester sereins dans l’espérance, d’être patients malgré les inconvénients du report de la visite papale et de rester fidèles dans la prière ».
Le 25 juin 2022, Mgr Donatien Nshole, Secrétaire général de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO), a annoncé lors d’une conférence de presse que, « pour montrer la grande considération qu’il a pour notre pays, le Saint-Père a décidé d’envoyer Son Éminence le Cardinal Pietro Parolin, Secrétaire d’Etat de la Cité du Vatican, à Kinshasa pour prier avec nous le dimanche 3 juillet 2022 ». Par ailleurs, lors de la conférence, Mgr Nshole a assuré que le voyage du Cardinal Pietro Parolin en RDC ne remplacerait pas le voyage du Pape François en RDC, qui est « seulement reporté, et dont on attend de nouvelles dates ».
Le 2 juillet 2022, le Cardinal Pietro Parolin et des représentants de la CENCO ont rencontré le Premier ministre congolais, Jean-Michel Sama Lukonde, et d’autres représentants de l’État, pour signer des accords qui définissent le statut juridique de l’Église dans des domaines tels que la santé, les finances, la pastorale et l’engagement social. Cet accord, qui met en œuvre l’accord-cadre de 2016, reconnait la nature unique de l’Église, qui était jusqu’alors reconnue par l’État comme une association à but non lucratif. Alors que l’accord-cadre avait été ratifié en 2019 et était entré en vigueur en 2020, il n’avait jamais été pleinement appliqué.
Le 23 juillet 2022, des extrémistes présumés des ADF ont tué le révérend Joel Tibasima Bamaraki et deux anciens de l’Église lors d’une attaque dans le village de Kabasungora, dans la localité de Bahema-Boga. Le 24 juillet, le même groupe a été soupçonné d’avoir tué au moins sept chrétiens et incendié deux églises dans le village de Kayera, dans la localité de Bahema-Mitego. Le révérend Besisa Birahure, qui dirige une Église locale, a déclaré : « Maintenant, c’est pire parce qu’ils visent les responsables d’Église. Nous sommes dépassés. A cause de ce massacre que nous subissons, et qui est un massacre de trop, nous ne savons pas quoi faire... Alors continuez à prier pour nous; quelles que soient les difficultés qui deviennent de plus en plus grandes, que Dieu nous soutienne pour tenir bon ».
À la suite d’une attaque le 25 juillet, au cours de laquelle au moins 15 personnes (trois Casques bleus de l’ONU et 12 manifestants) ont été tuées sur des bases de l’ONU à Goma et dans d’autres villes du nord, les tensions entre la communauté locale et les Casques bleus de la Mission de l’ONU en RDC (MONUSCO) ont continué de monter. Les manifestants ont accusé la MONUSCO de ne pas avoir empêché les troubles provoqués par les groupes armés dans l’est de la RDC. L’évêque de Butembo-Beni, Mgr Melchisédech Sikuli Paluku, a commenté la situation : « Quand le verre est plein, il ne serait pas étonnant qu’un jour nous voyions toute la ville se révolter, y compris les personnes les plus insoupçonnées ».
Le 4 août, un rapport de l’ONU a révélé qu’elle disposait de preuves que les troupes rwandaises avaient fourni un soutien militaire et combattu avec le groupe rebelle M23 dans l’est de la République démocratique du Congo et lui avaient fourni des armes et un soutien. « La résurgence du M23 a enflammé les tensions régionales et provoqué des manifestations meurtrières contre la mission de maintien de la paix de l’ONU en RDC, accusée par les civils de ne pas les protéger ».
Le 9 août 2022, le secrétaire d’État américain Antony Blinken est arrivé à Kinshasa dans le cadre d’une tournée dans trois pays d’Afrique. La visite a été utilisée pour renforcer les relations passées, actuelles et futures entre les États-Unis et la RDC et pour examiner comment les deux pays peuvent travailler ensemble plus efficacement pour faire avancer des causes telles que la protection de l’environnement et les droits de l’homme. Les questions relatives à la liberté religieuse ont également été discutées.
Le 19 octobre, Sœur Marie-Sylvie Kavuke Vakatsuraki, des Sœurs de la Présentation de la Bienheureuse Vierge Marie au Temple, a été tuée dans une attaque revendiquée par les forces ADF. Le Père Marcelo Oliveira, responsable des Missionnaires Comboniens, a déclaré : « Les rebelles des ADF ont attaqué le village, et en particulier l’hôpital. Ils ont pillé tout ce qu’ils pouvaient trouver, volant des médicaments, et à la fin ils ont mis le feu au bâtiment. Une religieuse, qui est également médecin et qui était de service de nuit, a été brûlée vive, ainsi qu’un patient. Au village, cinq autres corps ont été retrouvés sans vie ».
Le 20 octobre 2022, le M23 a lancé une offensive contre l’armée congolaise à Rutshuru, semant la panique au Nord-Kivu. Les Nations Unies ont calculé que plus de 50.000 personnes avaient fui leur foyer entre le 20 octobre et le 1er novembre. Le 31 octobre, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a appelé à l’arrêt immédiat des combats et au retrait du M23 des zones occupées. Le président de la RDC, Félix Tshisekedi, a accusé le Rwanda de soutenir la rébellion, affirmant que le Rwanda, à la recherche des richesses minérales de la RDC, cherchait à « déstabiliser l’est du Congo pour créer une zone de non-droit pour satisfaire ses appétits criminels ». Le Rwanda a nié ces allégations. Le 31 décembre, l’Union européenne a appelé le Rwanda « à cesser de soutenir le groupe rebelle M23 ».
Le 26 octobre, le Pape François, à la suite d’une attaque terroriste qui a tué des patients et un membre du personnel d’un hôpital missionnaire catholique, a dénoncé « l’horreur qui continue à ensanglanter la République démocratique du Congo ». Lors de son audience générale, le souverain pontife a déclaré : « Prions pour les victimes et leurs familles, ainsi que pour la communauté chrétienne et les habitants de cette région, qui sont épuisés par la violence depuis trop longtemps ».
En novembre, à la suite d’une réunion extraordinaire de la Conférence des évêques catholiques, 42 archevêques, évêques et administrateurs apostoliques du pays ont signé une déclaration dans laquelle ils mettaient en garde contre un possible éclatement du pays. Pour preuve, les prélats ont distingué les multiples régions où la violence avait éclaté, le réveil de groupes militants tels que le M23, les violences intercommunautaires et les meurtres liés à la possession foncière qui opposent le groupe ethnique Teke aux non-Teke dans l’ouest du pays, et la vente illégale de terres à des étrangers dans le centre du Congo. Tous ces points ont entraîné le déplacement forcé de milliers de personnes. Les responsables de l’Église ont averti que l’insécurité croissante risquait de diviser le pays, déclarant : « L’heure est grave. Notre nation est en danger. Si nous n’y prenons pas garde, nous allons nous réveiller un matin avec un pays balkanisé ». Les évêques ont également souligné la responsabilité de la communauté internationale, y compris des multinationales qui font des alliances avec ceux qui ont développé une forme de « profit militaire », déclarant : « La communauté internationale qui, dans sa duplicité, souffle le chaud et le froid, porte une grave responsabilité pour son indulgence envers les multinationales et les pays qui sont des prédateurs de nos ressources naturelles. De quel maintien de la paix parle-t-on quand le nombre des morts ne cesse de se multiplier ? ».
Le 1er décembre 2022, les forces armées de la RDC ont accusé le groupe rebelle M23 « d’avoir tué 50 civils dans la ville de Kishishe, dans l’est du pays ». La mission de maintien de la paix de l’ONU a déclaré : « Ces allégations, si elles sont confirmées, pourraient constituer des crimes au regard du droit international humanitaire ».
Le 4 décembre 2022, « des dizaines de milliers de chrétiens sont descendus dans les rues de toute la République démocratique du Congo » à la suite d’un appel de la Conférence des évêques catholiques pour protester contre les violences du M23 dans les régions orientales. Les responsables de l’Église ont également accusé la communauté internationale « d’hypocrisie quant au rôle présumé du Rwanda dans les combats ».
Perspectives pour la liberté religieuse
La République démocratique du Congo, quatre fois plus grande que la France, possède d’énormes richesses minérales, notamment de l’or, des diamants, du cobalt et du coltan. Malgré cela, de larges segments de la population sont démunis. Alors qu’auparavant l’insécurité était concentrée dans le nord, la violence s’est propagée à travers le pays et aujourd’hui, plusieurs régions de la République démocratique du Congo sont le théâtre de conflits armés impliquant une constellation toujours plus large de groupes rebelles, y compris des milices terroristes islamistes. Le nombre de groupes armés a augmenté, passant de quelques dizaines en 2006 – l’année du déploiement de la force de l’ONU – à environ 120 aujourd’hui, et les extrémistes ciblent plus fréquemment les lieux de culte.
La situation est complexe, impliquant des éléments politiques, économiques, ethniques et religieux, dont du terrorisme, à un niveau constitutif de crimes au regard du droit international humanitaire. Le point le plus controversé est l’allégation du 4 août 2022 de l’ONU de complicité rwandaise avec le groupe rebelle M23.
L’Église catholique est demeurée une critique virulente, exprimant son appel au changement aux niveaux national et international. Dans un communiqué d’avril 2021, les évêques ont souligné les objectifs des agresseurs, affirmant qu’ils « exploitent les faiblesses des forces armées régulières afin d’atteindre leurs objectifs politiques et religieux », lesquels comprennent « l’occupation des terres, l’exploitation illégale des ressources naturelles, l’enrichissement personnel gratuit et l’islamisation de la région sans tenir compte de la liberté religieuse ».
Les perspectives de liberté religieuse restent négatives.