Le cadre juridique de la liberté religieuse et son application effective
La Constitution indienne garantit la liberté religieuse, et le pays a une forme de laïcité particulière qui s’efforce de traiter les traditions religieuses sur un pied d’égalité. Toutefois, l’influence de la laïcité indienne s’est atténuée depuis l’arrivée au pouvoir du Premier ministre Narendra Modi et du Bharatiya Janata Party (BJP) en 2014.
Bien que les tensions interreligieuses aient été un problème majeur en Inde depuis l’époque du mouvement indépendantiste et la partition de 1947 qui a créé l’Inde et le Pakistan en tant que nations indépendantes, l’influence politique, sociale et culturelle des groupes nationalistes hindous – collectivement connus sous le nom de Sangh Parivar (organisation familiale ou association), comme la Rashtriya Swayamsevak Sangh (Organisation nationale des volontaires, RSS) – s’est considérablement accrue depuis l’élection de Modi. Les membres des diverses organisations Sangh Parivar occupent maintenant des postes de haut niveau au sein du gouvernement, de l’armée et dans le milieu universitaire.
Selon la Constitution de la République d’Inde, la liberté religieuse est garantie par l’article 25, qui dispose que « chacun dispose du même droit à la liberté de conscience et du droit de professer, de pratiquer et de propager librement sa religion ». En outre, l’article 27 dispose que nul ne peut être contraint de payer des impôts destinés à la promotion ou au financement d’une confession religieuse particulière. La Constitution consacre une disposition particulière, l’article 26, à la sauvegarde de la liberté de « toute confession religieuse …d’établir et de gérer des institutions à des fins religieuses et caritatives » et de « gérer ses propres affaires en matière de religion ». En outre, l’article 30 définit le droit des minorités, y compris religieuses, d’établir et de gérer leurs propres établissements d’enseignement.
Malgré le statut laïque officiel de l’Inde, divers gouvernements, tant au niveau fédéral qu’au niveau des États, ont adopté des lois qui restreignent la liberté religieuse des individus et des groupes. L’un des domaines dans lesquels les restrictions gouvernementales et administratives à la liberté des institutions religieuses sont devenues beaucoup plus sévères ces dernières années est celui du financement étranger des groupes religieux, en particulier à travers la Loi sur la régulation des contributions étrangères (FCRA).
Depuis 2014, les autorités indiennes ont de plus en plus fréquemment gelé les comptes bancaires de différentes organisations, en utilisant la FCRA de 2010, pour les empêcher d’accéder au financement nécessaire à leurs opérations. De nombreux opposants estiment que le gouvernement actuel a utilisé la FCRA de 2010 de manière sélective pour cibler les organisations non gouvernementales affiliées à des communautés religieuses minoritaires, en fermant, par exemple, les organisations humanitaires et de développement chrétiennes. Les réglementations actuelles, basées sur le Code pénal indien, permettent au gouvernement de traiter les ONG religieuses plus sévèrement – et inéquitablement.
En 2020, le gouvernement central a utilisé la FCRA pour étendre davantage son contrôle sur les groupes de la société civile. Le Ministère de l’intérieur a en particulier révoqué les autorisations d’utiliser des devises étrangères de quatre organisations protestantes et d’un institut catholique, la Don Bosco Tribal Development Society. Cette société, fondée en 1976 par des Salésiens, dessert les communautés tribales et autres communautés marginalisées du Tamil Nadu. Du fait de la perte de son autorisation d’utiliser des devises étrangères, elle ne peut plus recevoir de dons de sources étrangères, y compris d’agences catholiques officiellement reconnues, pour poursuivre sa mission. Comme dans d’autres cas, le Ministère de l’intérieur peut rejeter la demande d’une organisation, faite en application de la loi FCRA, si le bénéficiaire est considéré comme ayant contribué à créer des tensions ou discordes communautaires. En septembre 2022, le gouvernement avait prolongé jusqu’au 31 mars 2023 la validité des enregistrements d’ONG effectués en application de la FCRA. Depuis 2017, le gouvernement indien a annulé plus de 1900 licences d’organisations non gouvernementales.
En raison de la traditionnelle vénération des vaches par les hindous, les jains et les bouddhistes, il existe un dégoût social généralisé pour la consommation de bœuf et l’abattage des vaches. La protection des vaches est depuis des siècles une question politique importante et parfois controversée, et actuellement, environ les deux tiers des États indiens ont des lois qui réglementent, circonscrivent ou interdisent l’abattage des vaches. Qui plus est, la Cour suprême indienne a confirmé la constitutionnalité de ces lois. La défense des interdictions légales d’abattre des vaches a été une caractéristique particulière des groupes sociaux et politiques faisant la promotion de l’Hindouisme, tels que les groupes nationalistes hindous, dont le Bharatiya Janata Party (BJP) au pouvoir.
La législation anti-conversion est pour le BJP une autre façon concrète de faciliter les restrictions sociales à la liberté religieuse. Plusieurs États ont adopté des lois sur la liberté religieuse (ou, comme leurs détracteurs les appellent, des « lois anti-conversion »). Il s’agit de lois, au niveau d’un État, conçues pour réglementer les conversions religieuses qui auraient été prétendument accomplies par la contrainte et frauduleusement.
La structure de base et le contenu de ces lois ne varient que très peu d’un État à l’autre, car les nouvelles lois ont tendance à être calquées sur des lois antérieures adoptées dans d’autres États. L’Odisha a été le premier État indien à promulguer une loi sur la liberté religieuse (1967), suivi par le Madhya Pradesh (1968), l’Arunachal Pradesh (1978, bien qu’il n’ait pas encore encadré ses règles), le Chhattisgarh (2000), le Tamil Nadu (2002, abrogé deux ans plus tard), le Gujarat (2003), le Rajasthan (2006, pas encore promulgué par le gouverneur de l’État), l’Himachal Pradesh (2006, abrogé en 2019, mais remplacé par une nouvelle loi peu de temps après), le Jharkhand (2017) et l’Uttarakhand (2018).
En août 2019, la loi de 2019 sur la liberté religieuse de l’Himachal Pradesh a été approuvée à l’unanimité par l’Assemblée législative de l’État, proposant des « peines sévères - jusqu’à sept ans de prison, contre trois ans en vertu de la loi existante » - pour les personnes reconnues coupables de conversion religieuse forcée. Le 13 août 2022, un projet d’amendement a été adopté interdisant la « conversion de masse » et portant la peine maximale à dix ans d’emprisonnement. En juin 2020, Manohar Lal Khattar, Ministre en chef de l’État de l’Haryana, dans le nord du pays, a déclaré que son État mettrait en œuvre un projet de loi visant à empêcher ce qu’il a appelé les « conversions forcées ». En mars 2022, le projet de loi de 2022 de l’Haryana sur la prévention des conversions religieuses illégales a été adopté. Kiran Choudhary, qui dirige le parti du Congrès national indien dans l’Haryana, a déclaré que le projet de loi était « effrayant... et approfondirait la fracture communautaire », et a réagi en organisant une grève surprise. En septembre 2022, le gouvernement de l’État du Karnataka a également adopté une loi anti-conversion, le « projet de loi sur le droit à la liberté de religion », malgré la forte opposition des chrétiens et des partis d’opposition. Une peine d’emprisonnement de trois à cinq ans et de lourdes amendes sont prévues comme sanctions pour les conversions illégales.
L’intention de ces lois de causer préjudice est mise en évidence par le fait qu’elles n’ont jamais été utilisées pour enquêter ou poursuivre des hindous, même dans les cas dans lesquels des membres de la majorité avaient été accusés d’offrir des incitations financières explicites à la conversion à l’Hindouisme.
Ces lois désavantagent les religions minoritaires. Cela est devenu évident en 2015 lorsque la Cour suprême a statué qu’une personne qui « se reconvertit » du Christianisme à l’Hindouisme avait droit à certains avantages (dont les chrétiens sont normalement exclus), si les ancêtres du converti appartenaient à une caste « répertoriée » et que la communauté accepte le converti après sa « reconversion ».
Les lois anti-conversion ciblent de manière disproportionnée les minorités religieuses des États où celles-ci résident car elles sont souvent adoptées à la demande des groupes nationalistes hindous qui craignent que le caractère hindou de l’Inde ne soit assiégé par la croissance de religions concurrentes. Les musulmans et les chrétiens sont particulièrement touchés et accablés, parce que ces deux traditions religieuses sont impliquées dans des activités missionnaires. Ces interdictions permettent aux responsables locaux et aux organisations suprémacistes hindoues de harceler et d’intimider les membres des communautés minoritaires.
En Inde, les musulmans sont de plus en plus menacés depuis que le leader nationaliste hindou, Narendra Modi, a été réélu avec succès en avril-mai 2019. En l’espace de cinq mois, le gouvernement central indien dominé par le BJP a pris deux mesures importantes concernant les droits de la communauté musulmane minoritaire indienne. En août 2019, il a dépouillé l’État indien à majorité musulmane, le Jammu-et-Cachemire, de son autonomie particulière incarnée par l’article 370 de la Constitution, et a ainsi emprisonné des dizaines de ses responsables politiques et de la société civile, sans motif ni jugement, et soumis l’ensemble de l’État à une interruption d’Internet qui a duré des mois. En décembre 2019, le Parlement indien a adopté une modification de la loi sur la citoyenneté (CAA) qui a expressément exclu les musulmans du groupe restreint de pays voisins pouvant demander le statut de réfugiés et la citoyenneté en raison de persécutions religieuses.
Le Code pénal indien comprend une disposition anti-blasphème. L’article 295A pénalise l’insulte à la religion ou aux croyances religieuses de toute classe de citoyens, si une telle insulte est faite dans l’intention « délibérée et malveillante… d’outrager les sentiments religieux ». Cette loi a parfois été appliquée contre les chrétiens (indiens et étrangers) qui auraient critiqué l’Hindouisme dans le cadre de leur travail d’évangélisation.
Incidents et développements
La communauté chrétienne en Inde continue de faire face à des violences ciblées et des crimes de haine. En 2021, la Commission sur la liberté religieuse a enregistré 505 incidents au cours desquels des chrétiens à travers le pays ont été attaqués, intimidés ou harcelés, contre 279 en 2020. Le Forum chrétien uni pour les droits de l’homme (UCFHR), qui gère une ligne d’assistance téléphonique, a recueilli des données qui ont révélé qu’environ 302 attaques antichrétiennes avaient eu lieu rien qu’entre janvier et juillet 2022.
La diffusion de la philosophie Hindutva adoptée par le groupe Hindutva Rashtriya Swayamsevak Sangh (RSS) est, dans une large mesure, la cause principale de cette persécution croissante des chrétiens. L’Hindutva, une version extrémiste du nationalisme hindou, considère l’Inde comme étant essentiellement un pays hindou et est intolérant envers les autres religions ou cultures. Le BJP, qui a pris le pouvoir en 2014, souscrit à cette approche idéologique, et son succès politique a facilité une rhétorique et une action à connotation nationaliste et religieuse.
Cependant, le Christianisme s’est développé en Inde parmi bon nombre de différents groupes, en particulier au sein des communautés tribales de l’Inde rurale. Alarmés par le nombre croissant de convertis au Christianisme au sein de ces tribus, les extrémistes hindous ont lancé des campagnes pour les « reconvertir ». Selon certains rapports, les extrémistes hindous attaquent les lieux de culte chrétiens, en ayant souvent le soutien tacite des autorités publiques locales. La police et les forces de l’ordre minimisent les attaques ou ferment les yeux. Bien qu’il y ait trop d’attaques à énumérer individuellement, les cas suivants sont représentatifs :
Le 26 janvier 2021, un groupe d’hommes criant des slogans Hindutva est entré dans le centre chrétien Satprakashan Sanchar Kendra, à Indore, Madhya Pradesh. Le Pasteur Manish David a déclaré : « Ils n’arrêtaient pas de nous frapper, de nous arracher les cheveux ». La police est arrivée et a arrêté neuf anciens, dont le Pasteur David, les inculpant en vertu d’une nouvelle législation qui limite les conversions religieuses.
En juillet 2021, le Père Stan Swamy, un jésuite indien âgé qui avait été emprisonné pendant 7 mois, est décédé. Le Père Swamy, ainsi que 15 autres personnes, avaient été inculpés en vertu de la Loi relative à la prévention des activités illégales pour avoir critiqué les politiques gouvernementales en octobre 2020. En mars 2022, un groupe de travail des Nations Unies a exhorté le gouvernement indien à mener des enquêtes indépendantes sur l’incident et a qualifié la mort de Swamy « d’échec » du gouvernement indien, qui resterait « à jamais une tache » sur l’état des droits humains dans le pays.
En septembre, la police de l’Uttar Pradesh a frappé deux chrétiens qui étaient en garde à vue au moyen d’un lathi, un lourd bâton fait de bambou et de fer. Ces chrétiens, Sabajeet et Chotelal, du district de Sultanpur, ont été accusés en vertu des lois anti-conversion de 2020 de cet État. Le chef du poste de police leur a dit qu’ils avaient trahi l’Inde en se convertissant au Christianisme. Ils ont été libérés plus tard dans la nuit sans être inculpés.
En octobre 2021, le chef religieux hindou Swami Parmatmanand a exhorté son auditoire à tuer des chrétiens lors d’un rassemblement de masse dans le district de Surguja, dans le Chhattisgarh. Il a dit : « Décapitez-les – ceux qui viennent pour la conversion ». Alors qu’il recommandait la violence, des responsables politiques locaux du BJP, dont Ramvichar Netam et Nand Kumar Sai, étaient avec lui sur scène. Ce dernier a été filmé en train d’applaudir Swami. Le rassemblement Bandh Karo Dharmantaran (Stop aux conversions religieuses) était organisé par Sarwa Sanatan Hindu Raksha Manch, une coalition informelle de groupes Hindutva.
En octobre, Mohan Bhagwat, chef de la RSS, a mis en garde les hindous contre la « croissance contre nature » des populations chrétiennes et musulmanes du pays, avant de dire à son auditoire lors de son discours annuel à l’occasion de la fête du Navaratri (un festival honorant la divinité hindoue Durga) : « L’immigration illégale dans les districts limitrophes et les conversions dans le nord-est ont encore changé la démographie ».
Le 6 décembre, l’école Saint-Joseph, à Ganj Basoda, dans l’État du Madhya Pradesh, a été saccagée par une foule d’environ 500 extrémistes Hindutva. Avant cela, les autorités scolaires avaient demandé une protection policière. Le directeur de l’école, le Frère Anthony Pynumkal, a déclaré que vers midi, une foule armée de barres de fer et de pierres était arrivée. La foule a scandé « Jai Shri Ram », tout en vandalisant l’école. L’incident a été précédé par des accusations postées par « Aayudh » sur YouTube, selon lesquelles l’école convertissait des élèves hindous. Le message montrait des photos de huit enfants catholiques faisant leur confirmation et leur première communion à l’église paroissiale, mais elles étaient censées montrer la conversion d’élèves hindous à l’école. L’école est dirigée par des Frères missionnaires de l’Église catholique syro-malabare et compte aujourd’hui 1.500 élèves, dont moins de un pourcent de chrétiens. Le Père Maria Stephen a déclaré : « La police a indirectement soutenu la foule. La veille, l’administration de l’école avait soumis une demande de protection, mais sans être prise au sérieux. Nous avons eu l’impression que le commissaire de police n’aimait pas les chrétiens ». Les vandales ont détruit les biens de l’école pendant plus d’une heure avant que la police n’intervienne finalement.
En décembre, des religieuses des Missionnaires de la Charité ont été accusées d’avoir tenté de convertir d’autres personnes au Christianisme. Elles ont été inculpées en vertu de la Loi de 2003 relative à la liberté de religion du Gujarat. L’accusation a été abandonnée en mars 2022 car elle ne reposait sur aucun fondement.
En décembre 2021, Tejasvi Surya, Président national du Bharatiya Janata Yuva Morcha (BJYM) et député de Bengaluru South, a déclaré qu’interdire les conversions n’était pas suffisant et qu’une reconversion à grande échelle était nécessaire. Il a affirmé que « chaque temple doit viser la reconversion de la population à l’Hindouisme. Nous devrions reconvertir même les musulmans du Pakistan à l’Hindouisme ». Il a par la suite retiré ses déclarations, car elles avaient suscité beaucoup de réactions violentes sur les médias sociaux.
Le 9 janvier 2022, une église domestique a été attaquée par une foule de 200 personnes dans le district de Kondagaon, dans l’État du Chhattisgarh. L’extrémiste Hindutva Sanjith Ng a fait irruption dans la maison du village d’Odagoan où se déroulait l’office et a attaqué des membres de l’assemblée. Il a entraîné le Pasteur Hemanth Kandapan en dehors de la maison, où il a été frappé en même temps qu’un autre chrétien, Sankar Salam. Tous deux ont dû être hospitalisés pour leurs blessures. Le pasteur a affirmé que la police était présente mais n’était pas intervenue. Les membres de la foule ont affirmé que les chrétiens convertissaient illégalement des hindous et ont déclaré qu’ils tueraient les chrétiens s’ils continuaient à se réunir dans le village. Le lendemain, des membres éminents du Vishwa Hindu Parishad (VHP) ont forcé des villageois chrétiens à assister à un « Ghar Wapsi », une cérémonie de reconversion. Une femme, Sunderi Bathi, aurait été convertie de force à l’Hindouisme.
Le 2 mars, une manifestation aux chandelles le long des routes situées entre les églises catholiques de Mangaluru et de Dakshina Kannada a mis en lumière les attaques antichrétiennes commises à la suite de l’introduction d’une législation anti-conversion par le gouvernement de l’État du Karnataka en décembre 2021. Parmi les attaques de février figuraient la démolition illégale de la salle attenante à l’église Saint-Antoine, qui se trouvait sur ce site depuis plus de 40 ans, et la destruction par les autorités d’une statue de Jésus de 6 mètres de haut installée dans le village de Gokunte en 2004.
En avril, le soir du Jeudi Saint, 55 chrétiens ont été arrêtés pour « conversions illégales ». Une foule de 200 personnes a empêché plus de 70 membres de l’Église évangélique de l’Inde de quitter l’enceinte de leur église du 19ème siècle à Fatehpur, dans l’Uttar Pradesh. Lorsque la police est arrivée, elle a interrogé les chrétiens pendant trois heures avant d’accuser 55 personnes et de les emmener au poste. 26 hommes ont été détenus toute la nuit dans des cellules et emmenés au tribunal le lendemain. 17 d’entre eux ont été placés en détention provisoire avant d’être libérés le Samedi saint. La police aurait retiré toutes les accusations de conversion forcée, mais les aurait inculpés de violations du Code pénal. Des sources de l’Église ont déclaré que les dirigeants de l’Hindutva avaient « dépeint [l’office] comme une activité de conversion religieuse » et que ceux qui y avaient assisté avaient été « harcelés sans faute de leur part ».
En mai, au moins 30 chrétiens ont été emprisonnés dans l’État d’Uttar Pradesh, dont 20 au cours de la dernière semaine du mois, pour conversion forcée.
Le 31 mai, une foule a traîné un pasteur protestant hors de la salle de prière où il dirigeait le culte dans le district de Jaunpur, dans l’Uttar Pradesh. La police a arrêté le pasteur en application de l’article 295a du Code pénal indien (actes délibérés et malveillants, visant à enflammer les sentiments religieux). Il a été libéré sous caution le 3 juin 2022.
Une pétition a été lancée en juin 2022 au nom de Mgr Peter Machado, archevêque de Bangalore, du Forum national de solidarité (NSF) et de l’Evangelical Fellowship of India (EFI), qui ont déclaré que le gouvernement n’avait pas pris les mesures nécessaires contre ceux qui incitaient à la violence et au discours de haine contre la communauté chrétienne. Bien que le gouvernement de l’Union ait affirmé que les allégations étaient « fausses et intéressées », la Cour suprême de l’Inde a demandé au Ministère de l’Intérieur de réclamer des informations aux huit États mentionnés dans la pétition, et a demandé aux pétitionnaires de produire des exemples détaillés d’attaques contre les chrétiens.
Dans plusieurs États, les attaques contre les musulmans et les chrétiens au nom de la protection des vaches ont augmenté au cours des dernières années. Ces attaques de brigades de protection des vaches ciblent principalement les musulmans et les Dalits (auparavant connus sous le nom d’intouchables ou de parias), ainsi que les communautés chrétiennes autochtones dans les zones rurales dont les moyens de subsistance sont liés à l’agriculture et à l’élevage du bétail. En avril 2022, trois musulmans ont été blessés, un hindou a été tué et un autre blessé, pour suspicion d’abattage de vaches à Delhi. En juin 2022, un musulman a été brutalement torturé dans l’État de l’Uttar Pradesh par les forces de l’ordre pour avoir des liens avec un gangster impliqué dans l’abattage de vaches. En août 2022, des « brigades de protection des vaches » ont frappé à mort un musulman de 50 ans, tandis que deux autres musulmans ont été blessés parce qu’ils transportaient des vaches dans l’État du Madhya Pradesh. Ils ont été attaqués bien qu’ils aient affirmé ne prendre les vaches que pour les vendre lors d’une foire aux animaux. Ces incidents ne sont que des exemples des nombreux incidents similaires qui se sont produits au cours de la période faisant l’objet du présent rapport.
En septembre 2021, la Commission nationale Kamadhenu, qui est responsable du bien-être des vaches, a publié un programme stipulant que « Jésus-Christ a dit que tuer une vache, c’est comme tuer un être humain ». La Commission a mis en place un examen en ligne pour les étudiants afin de les sensibiliser à l’importance du bétail, et a affirmé que l’abattage des vaches avait entraîné des tremblements de terre et, en raison de l’infiltration de missionnaires chrétiens, avait rendu l’Afrique aride. Le Conseil mondial des chrétiens indiens (GCIC) a appelé à la suppression de la citation, craignant qu’elle n’incite des groupes hindous radicaux à commettre à nouveau des meurtres.
De nombreux extrémistes hindous utilisent « Jai Shri Ram » comme cri de ralliement « guerrier » lorsqu’ils attaquent des villageois chrétiens au motif qu’ils auraient abattu des vaches. Le chant, traditionnellement une salutation parmi les hindous traditionnels, a également précédé plusieurs attaques lancées contre des musulmans. Les musulmans ont également été forcés par des foules d’extrémistes hindous, sous peine de lynchage, à scander le slogan.
Des informations faisant état de l’existence de madrasas (écoles islamiques religieuses) non reconnues ayant des liens avec le terrorisme ont entraîné la démolition de ces établissements dans l’État d’Assam. En août 2022, une madrasa du district de Bongaigaon a été démolie au motif qu’elle aurait mené des « activités djihadistes ». À la suite de cet incident, le gouvernement de l’Uttar Pradesh a décidé de mener une enquête sur les madrasas non reconnues de l’État. La persécution des musulmans est devenue si extrême sous la direction du Premier ministre de l’Assam, Himanta Biswa Sarma, que les musulmans eux-mêmes ont volontairement démoli une madrasa à Goalpara en septembre 2022 pour prouver qu’ils ne se livraient pas à des activités djihadistes, malgré l’absence de justification rationnelle à la démolition de la part des forces de l’ordre locales.
En décembre 2019, les chambres basse et haute du Parlement indien ont adopté la loi controversée « Citizenship Amendment Act » (CAA), qui a été suivie de violences et de troubles généralisés à Delhi, dans l’Uttar Pradesh, le Madhya Pradesh, le Maharashtra, le Karnataka, l’Assam et sur plusieurs campus universitaires. En février 2020, au moins 27 personnes ont été tuées et plus de 200 ont été blessées dans le nord-est de Delhi, après un affrontement entre des manifestants et la police. La CAA a suscité de vives critiques de la part d’universitaires et de militants indiens et internationaux, parce qu’elle fait de la religion le seul critère d’octroi de la citoyenneté aux immigrés illégaux et aux réfugiés des voisins immédiats de l’Inde. La Cour suprême indienne a fixé au 31 octobre 2022 la date d’audition des requêtes de 2022 en contestation de cette loi. Cependant, le Ministère de l’Intérieur a obtenu en octobre une nouvelle prolongation – sa septième – pour compléter les règles de la CAA. Lors d’une conférence de presse le 24 novembre, le ministre de l’Intérieur, Amit Shah, a déclaré que les règles de la CAA étaient « en construction », mais que des retards avaient eu lieu « en raison de la pandémie ». Le ministre de l’Intérieur a toutefois assuré : « la CAA est une loi du pays, et ceux qui rêvent que la CAA ne soit pas mise en œuvre se trompent, elle sera mise en œuvre ».
Perspectives pour la liberté religieuse
Alors que l’Inde peut généralement être perçue comme une démocratie multireligieuse avec une riche histoire de diversité religieuse et de pluralisme, les incidents croissants dans le domaine du nationalisme religieux l’ont placée sur une liste de surveillance mondiale pour avoir violé les libertés religieuses fondamentales d’une grande partie de ses citoyens. Le niveau croissant de restrictions imposées aux chrétiens et aux autres minorités religieuses non hindoues, accompagné de violences à motivation religieuse, d’impunité, d’intimidations et de restrictions croissantes à la liberté des individus de pratiquer la religion de leur choix, est profondément déconcertant. L’Inde est un exemple de « persécution hybride », où des mesures pseudo-légales et des attaques sanglantes sont perpétrées contre des Indiens ayant la « mauvaise » religion.
En 2022, la Commission internationale des États-Unis pour la liberté religieuse internationale (USCIRF) a de nouveau classé l’Inde sur la liste des « pays particulièrement préoccupants » (CPC). En outre, le panel sur la liberté religieuse a recommandé « d’imposer des sanctions ciblées aux individus et aux entités responsables de graves violations de la liberté religieuse ».
Les perspectives de la liberté religieuse continuent donc d’apparaître négatives.