La République arabe d’Égypte a une longue tradition en tant qu’État-nation. Bien que majoritairement musulman, le pays abrite la plus grande communauté chrétienne (principalement copte) du monde arabe, essentiellement concentrée dans les gouvernorats de Haute-Égypte. De nombreux chrétiens vivent également au Caire. Il reste très peu de juifs. Le nombre de musulmans chiites, de bahaïs et d’autres groupes est également très faible et inconnu.
Au cours de la dernière décennie, l’Égypte a souffert d’instabilité politique et économique. En 2011, le Président Hosni Moubarak, au pouvoir depuis longtemps, a été renversé après des manifestations de masse. En 2012, Mohammed Morsi, membre des Frères musulmans, a été élu Président à une faible majorité. Entre juin et juillet 2013, l’armée égyptienne l’a démis de ses fonctions à la suite de manifestations de rue de millions d’Egyptiens. Les opposants à la chute de Morsi et aux événements qui y sont associés ont qualifié la situation de coup d’État. Les partisans du renversement ont déclaré qu’il était nécessaire de sauver la démocratie.
En 2014, le général Abdel Fatah al-Sissi a été élu Président du pays. Il a ensuite été réélu en avril 2018.
Les problèmes économiques et les problèmes de sécurité ont continué, en particulier dans la péninsule du Sinaï où le pays est confronté à une insurrection islamiste menée par des groupes alliés au groupe État islamique (Daech).
Lors d’un référendum qui a eu lieu en janvier 2014, les Egyptiens ont approuvé une nouvelle Constitution (amendée en 2019).
Le préambule de la Constitution décrit l’Égypte comme : « le berceau de la foi et bannière de la gloire
des religions révélées. Sur son sol grandit le prophète Moïse, celui à qui Allah a parlé et à qui s’est manifesté
la lumière divine ; celui qui reçut le message au Mont Sinaï. Sur son sol, les Egyptiens ont hébergé la Vierge Marie et son nouveau-né, puis donné des milliers de martyrs en défendant l’Église du Christ, paix soit sur lui. Et lorsque le sceau des Messagers, notre Maitre Mohammed (paix et bénédictions soient sur lui), fut envoyé à toute l’humanité, pour parfaire les vertus morales, notre cœur et notre esprit s’ouvrirent à la lumière de l’islam. Nous étions les meilleurs soldats de la terre dans la lutte pour la cause d’Allah. Nous répandîmes dans l’univers le message de la Vérité et les sciences de la religion ».
Selon l’article 2, « l’islam est la religion de l’État et l’arabe est sa langue officielle. Les principes de la charia islamique sont la principale source de la législation ». Le préambule précise que « leur interprétation se réfère aux textes pertinents de la jurisprudence de la Haute Cour constitutionnelle ». L’article 3 dispose :
« Les principes de la religion des Egyptiens chrétiens ou juifs sont la source principale des législations qui régissent leur statut personnel, leurs affaires religieuses et le choix de leurs dirigeants spirituels ».
L’article 7 protège l’Université d’Al-Azhar comme l’institution la plus importante d’enseignement islamique sunnite. « Al-Azhar est une institution islamique scientifique indépendante, avec compétence exclusive sur
ses propres affaires. Elle est la principale autorité en matière de sciences religieuses et d’affaires islamiques. Elle est responsable de la prédication islamique et de la diffusion des sciences religieuses et de la langue arabe en Égypte et dans le monde ».
L’article 53 dispose : « les citoyens sont égaux devant la loi, ils ont les mêmes droits et devoirs publics, et ne peuvent pas être discriminés sur la base de la religion, la croyance, le sexe, l’origine, la race, la couleur de peau, la langue, le handicap, la classe sociale, l’appartenance politique ou l’origine géographique, ou pour toute autre raison ». L’article 64 dispose : « la liberté de croyance est absolue. La liberté de la pratique religieuse et la liberté d’établir des lieux de culte pour les fidèles des religions révélées est un droit régi par la loi ».
Selon l’article 74 de la Constitution, « aucune activité politique ne peut être exercée et aucun parti politique ne peut être formé sur une base religieuse, et il ne saurait y avoir de discrimination reposant sur le sexe, l’origine, la religion ou l’emplacement géographique ».
L’article 244 dispose : « L’État s’efforcera de faire en sorte que les jeunes, les chrétiens, les personnes handicapées et les Egyptiens vivant à l’étranger soient représentés de manière appropriée à la Chambre
des représentants, selon les modalités prévues par la loi ». Le Code pénal égyptien dispose que dénigrer
une religion, promouvoir des pensées extrémistes dans le but d’inciter aux conflits, humilier l’une ou l’autre
des « religions divines » et nuire à l’unité nationale, sont des faits passibles de sanctions allant de six mois à cinq ans d’emprisonnement.
Bien que la conversion religieuse ne soit pas interdite par la loi, dans la pratique le gouvernement ne reconnaît pas le fait de quitter l’islam. En 2008, le Tribunal administratif a donné raison au gouvernement en ne reconnaissant pas l’abandon de l’islam, notant que son devoir est de « protéger l’ordre public contre le crime d’apostasier l’islam ».
La loi ne reconnaît pas la foi bahaïe ni ses lois religieuses et interdit les institutions et activités communautaires bahaïes. Les bahaïs n’ont pas recours au droit civil pour les questions de statut personnel. Il en va de même pour les Témoins de Jéhovah. En 2019, le gouvernement a de nouveau fermé la salle contenant la tombe du petit-fils du prophète Mahomet, l’imam Al-Hussein, afin d’empêcher les chiites de l’utiliser pendant l’Achoura.
Les cartes d’identité nationales électroniques sont délivrées par le Ministère de l’Intérieur. Elles ne comportent
une désignation officielle de la religion que pour les musulmans, chrétiens et juifs. Depuis une ordonnance du tribunal de 2009, les bahaïs sont identifiés par un tiret. Malgré la classification de la « religion » sur les cartes d’identité, le gouvernement n’a jamais fourni de données officielles sur la religion de la population copte.
En août 2016, le Parlement égyptien a adopté une nouvelle loi sur la construction d’églises pour faciliter
la construction, la rénovation et la reconnaissance juridique des églises. Toutefois, la multiplication des attaques,
les obstacles administratifs et l’incapacité de l’État à endiguer la violence sociale contre les chrétiens lorsqu’ils tentent de construire, de restaurer ou tout simplement de faire reconnaître leurs églises : tout ceci révèle l’énorme écart entre la loi et la vie quotidienne. Plus inquiétant encore est le fait que les agences de sécurité ont à plusieurs reprises échoué à protéger les coptes et à prévenir les attaques d’églises et des propriétés appartenant aux coptes.
En ce qui concerne le mariage et le divorce, les Egyptiens sont soumis à différentes lois sur le statut personnel, en fonction de leur appartenance religieuse officielle.
Les musulmanes ne peuvent pas épouser d’hommes non musulmans, et les hommes non musulmans doivent se convertir à l’islam pour épouser une musulmane. Depuis 2005, les mères divorcées peuvent avoir la garde de
leurs enfants jusqu’à l’âge de 15 ans. Si un parent n’est pas musulman, le parent musulman reçoit automatiquement la garde.
En mai 2018, 11 musulmans et 9 coptes ont été acquittés par le tribunal correctionnel de Beni Suef, en Haute-Égypte. Cette décision faisait suite à un accord de conciliation selon lequel l’église locale resterait fermée jusqu’à son officialisation. Les personnes placées en garde à vue ont d’abord été arrêtées à la suite d’une attaque menée par des villageois musulmans contre l’église locale, après avoir appris que les coptes avaient demandé la reconnaissance légale de leur lieu de culte.
En mai 2018, une foule a attaqué une église d’Abou el-Shuqaf (près d’Alexandrie) et d’autres propriétés appartenant à des chrétiens ; cette attaque a fait sept blessés parmi les coptes. La police est arrivée en retard et a arrêté 11 extrémistes et 9 coptes, dont 4 avaient été blessés au cours de l’attaque. Ces Coptes auraient été arrêtés pour faire pression sur eux afin de retirer les accusations portées contre les assaillants. Les 9 coptes n’ont été libérés qu’après que le père Aghabius Mounir, prêtre de l’église Mar Morcos d’Abou El-Shuqaf, a retiré ses accusations contre les personnes qui avaient détruit sa voiture.
En juin 2018, le gouvernement égyptien a accepté de payer pour le traitement médical à Aix-la-Chapelle,
en Allemagne, de Samiha Tawfiq, une femme copte grièvement blessée au visage (du côté droit), lors de l’attentat à la bombe de décembre 2017 contre l’église Saint-Pierre-et-Saint-Paul du Caire.
En juillet 2018, Mgr Epiphanius, Abbé du monastère Saint-Macaire-le-Grand, a été retrouvé mort à l’intérieur du monastère. Deux moines ont été arrêtés en lien avec sa mort. Après avoir été jugés et condamnés, l’un a été condamné à perpétuité et l’autre, le père Isaïe, à la peine de mort. Sherif Azer, membre de Reprieve, un groupe britannique de surveillance des droits de l’homme, tente de faire commuer la peine de mort au motif
que les aveux du père Isaïe ont été obtenus sous la torture et que l’affaire est remplie d’incohérences.
En juillet 2018, un copte du village de Menba, dans le gouvernorat de Minya, a été accusé « d’avoir fait preuve de mépris pour la religion » pour avoir comparé Mahomet à Jésus dans un commentaire sur facebook dans lequel l’islam était insulté. Quelque 90 extrémistes musulmans qui ont participé à une attaque anti-copte pour réagir au commentaire ont été arrêtés. Ils ont ensuite été libérés après une conciliation judiciaire entre coptes et musulmans. De son côté, le copte responsable du commentaire sur facebook a été condamné en décembre 2018 à trois ans de prison pour « mépris de l’islam ».
À la mi-août 2018, dans la ville de Mostoroud (gouvernorat de Qalioubiya), un kamikaze a tenté d’entrer dans l’église de la Vierge-Marie. Lorsque la police l’a arrêté avant qu’il n’entre dans le bâtiment, il s’est suicidé en faisant exploser le gilet explosif qu’il portait. Personne d’autre n’a été blessé.
En juillet 2018, sept Témoins de Jéhovah ont été arrêtés par le Service national de sécurité à Beni Suef, et leur matériel religieux leur a été confisqué. L’importation et la vente de la littérature des témoins de Jéhovah et des bahaïs sont interdites.
Fin août 2018, une foule de musulmans a attaqué le village de Demshaw Hashem, dans le sud de l’Égypte, blessant deux coptes et un pompier, qui ont tous 2 été hospitalisés. L’attaque faisait suite à des accusations portées contre des chrétiens locaux, selon lesquelles ils utiliseraient leurs maisons comme lieu de culte. Comme lors d’incidents antérieurs, les forces de sécurité ne seraient pas intervenues au moment de l’attaque et seraient arrivées après la fin de l’incident. Quelques jours plus tard, Mgr Anba Makarios, métropolite copte orthodoxe de Minya et Abu Qurqas, a refusé de participer à une « session de réconciliation » entre les représentants des communautés chrétienne et musulmane. Il a expliqué que de telles réunions sapaient les droits des chrétiens en laissant les criminels échapper à la justice. À la place de cela, Mgr Makarios a exigé que la loi soit appliquée. L’organisation de défense des droits de l’homme « Egyptian Initiative for Personal Rights » (EIPR) a condamné ces pratiques et demandé un procès pour les auteurs des attaques, l’indemnisation des victimes et la construction d’une église dans le village.
Le sud de l’Égypte a connu d’autres attaques violentes au cours de cette période, suivies de la fermeture forcée d’églises et de l’arrestation d’assaillants, mais aussi de coptes accusés de rassemblement illégal, d’entrave à la circulation, de troubles à la paix publique et d’incitation à des conflits sectaires. Les coptes ont également été accusés d’avoir prié dans une église non autorisée.
Selon un rapport de l’EIPR, malgré l’adoption de la loi sur la construction d’églises en septembre 2016 et en avril 2018, 14 églises ont été fermées par les agences de l’État, qui en ont refusé l’accès aux coptes et y ont interdit les offices.
En août 2018, le Président al-Sissi a nommé des chrétiens au poste de gouverneur de Damiette et Dakhleya, pour
la première fois depuis avril 2011, alors que des manifestations de groupes salafistes et des Frères musulmans avaient contraint le gouvernement d’annuler la nomination d’un copte au poste de gouverneur de Qena, en Haute-Égypte. Manal Awad Mikhail, qui a été nommée nouveau gouverneur de Damiette en août 2018, est la première femme copte d’Égypte à occuper ce poste.
En novembre 2018, une attaque contre des pèlerins coptes qui se dirigeaient vers un monastère de Minya (Haute-Égypte) a fait 7 sept morts et 19 blessés. L’attaque a été revendiquée par l’État Islamique. Quelques jours plus tard, la police aurait tué 19 terroristes suspectés être à l’origine de l’attaque.
En novembre 2018, un partisan présumé de l’État Islamique a été condamné à mort pour avoir agressé mortellement à l’arme blanche un médecin chrétien de 82 ans en 2017.
En novembre 2018, le député Mohamed Fouad a présenté au Président du Parlement une proposition de loi demandant au premier ministre Mostafa Madbouly d’établir un rapport sur les difficultés rencontrées par
les bahaïs dans la pratique de leur religion, une situation qui viole les articles 53, 64 et 92 de la Constitution égyptienne.
En novembre 2018, lors de son discours au forum mondial de la jeunesse à Charm-El-Cheikh, le président
al-Sissi a déclaré qu’il protégerait la liberté de culte et que l’État construirait une église dans chaque nouvelle communauté. Qui plus est, « si nous avons d’autres religions, nous leur construirons des lieux de culte ».
Il a ajouté que « chaque citoyen a le droit de pratiquer le culte qu’il souhaite, ou de ne pas en pratiquer.
Nous ne devons pas interférer avec cela ».
En décembre 2018, le Procureur général d’Égypte a déféré 11 personnes devant un tribunal pénal pour avoir attaqué une église copte dans le sud du Caire en décembre 2017 lors des célébrations de Noël.
Les poursuites intentées par 4 des 12 couples bahaïs pour faire reconnaître leur mariage civil ont été couronnées de succès en octobre 2018. Bien que les bahaïs se soient félicités de la délivrance du premier certificat de mariage civil en 2017, ils ont également noté que les tribunaux étaient incohérents dans leurs décisions. À la fin de l’année,
les procédures normalisées de délivrance des certificats de mariage civil aux couples sans affiliation religieuse désignée n’avaient pas encore été mises en place.
En décembre 2018, le président al-Sissi a ordonné la construction d’une église copte dans la ville de New Ahalina 2.
Quelques jours avant le Noël copte, un policier a été tué en tentant de désamorcer un engin explosif près
d’une église.
Le 6 janvier 2019, la cathédrale de la Nativité-du-Christ, la plus grande église du Proche-Orient, a été inaugurée dans la nouvelle capitale à la veille du Noël copte. Le président al-Sissi et le grand imam Ahmed El-Tayyeb d’Al-Azhar étaient à la cérémonie d’inauguration, avec le patriarche copte orthodoxe, le Pape Tawadros II. Le président al-Sisi a également assisté à la veillée de Noël.
Mi-janvier 2019, des juristes coptes ont intenté une action en justice auprès du bureau du procureur général contre
le gouverneur de la province de Minya pour la fermeture d’un lieu de culte copte dans le village de Mansheyat Zaafarana. Après de violentes manifestations de foules islamistes, la police a promis aux manifestants que l’église serait fermée.
Mi-janvier 2019, des militants islamistes ont enlevé un chrétien qui voyageait dans un taxi communal dans
le nord du Sinaï.
En janvier 2019, Al-Azhar et le Ministère égyptien de l’Awqaf (chargé des dotations religieuses) ont inauguré des académies distinctes pour prédicateurs. Alors que l’académie d’Al-Azhar se concentre uniquement sur
les études islamiques, l’Académie internationale de l’Awqaf, qui prévoit aussi de former des prédicatrices, aborde également d’autres sujets, comme l’économie, la politique et la psychologie.
En février 2019, le père Yassa Marzok a contredit une déclaration du gouvernement égyptien qui affirmait
qu’il n’y avait pas d’églises fermées dans le gouvernorat de Minya. L’ecclésiastique a noté, au lieu de cela, que huit églises coptes avaient été fermées dans la seule ville de Samalout.
En juin 2019, un rapport de l’Institut Tahrir pour la politique au Proche-Orient indiquait que plusieurs villages ruraux – peut-être des centaines – n’avaient pas du tout d’église. Dans une interview, Mgr Macarios, évêque de Minya et d’Abou Qarqas, a expliqué qu’environ 150 villages et quartiers de son diocèse avaient besoin
d’une église ou d’autres édifices religieux.
En juillet 2019, le Ministère des Antiquités a publié un livret illustrant le voyage de la Sainte Famille en Égypte. L’objectif était de faire reconnaître par l’UNESCO les « stations du voyage de la Sainte Famille à travers l’Égypte ».
En septembre 2019, le blogueur athée Sherif Gaber a tweeté qu’il avait été condamné à 3 ans de prison pour outrage à la religion, diffusion de valeurs immorales et trouble à la paix publique, via sa chaîne YouTube, ajoutant toutefois qu’il n’était pas en détention.
En novembre 2019, une avocate copte spécialisée dans les droits de l’homme, Huda Nasralla, a obtenu le droit d’hériter à parts égales. Devant le tribunal, ses frères ont soutenu sa demande, mais leur témoignage a été ignoré à deux reprises. Dans son appel, elle a cité l’article 245 du règlement orthodoxe de 1938 sur le statut personnel, qui garantit aux femmes coptes un héritage égal à celui des hommes. Son principal argument est que la charia ne s’applique pas à elle. Bien qu’une autre femme copte ait également obtenu le droit d’hériter à parts égales en 2016, la charia est généralement appliquée dans les affaires d’héritage. Ce n’est qu’en matière de mariage et de divorce que le pouvoir judiciaire s’en remet à l’Église copte.
En novembre 2019, Ramy Kamel, militant des droits de l’homme et membre fondateur du Syndicat de
la jeunesse de Maspero, a été arrêté. Éminent défenseur des droits des coptes en Égypte, il avait posté sur
les réseaux sociaux des images d’attaques et du déplacement forcé de chrétiens de chez eux. Sa fiche d’accusation comprenait l’appartenance à une organisation terroriste et l’utilisation des réseaux sociaux pour diffuser de « fausses informations menaçant l’ordre public ». Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme a indiqué qu’il avait été arrêté après avoir demandé un visa pour se rendre à Genève pour intervenir au forum des Nations Unies sur les questions relatives aux minorités, à la fin du mois de novembre 2019.
La veille du Jour de l’an 2019, à Fao Bahari, un village du district de Deshna (dans le sud de l’Égypte),
des coptes ont été empêchés par la police de prier dans leur petite église de fortune, au motif qu’elle n’était pas permise pour des rites religieux. Selon les forces de l’ordre, la tenue de prières coptes offenserait les sentiments des villageois musulmans et il serait fort probable que cela déclenche des hostilités contre les coptes. La même nuit, un incendie s’est déclaré dans une maison appartenant à une famille copte. 6 musulmans ont été arrêtés, dont un soupçonné d’avoir incité à la violence, et 5 coptes, dont les 4 propriétaires de la maison incendiée, et un qui avait publié une vidéo de l’incendie sur les médias sociaux.
Dans son rapport de 2019 sur la liberté religieuse, le département d’État américain a cité les Témoins de Jéhovah, affirmant que plusieurs de leurs membres avaient été interrogés par les autorités en raison de leur statut de « groupe interdit ». En février 2019, un Témoin de Jéhovah a été « violemment interrogé » à deux reprises, menacé, les yeux bandés, et frappé par des responsables de la sécurité en Haute-Égypte. À plusieurs reprises en avril, octobre et novembre 2019, des Témoins de Jéhovah ont été interrogés par des responsables de la police au Caire et à Minya. En septembre 2019, les responsables de la sécurité ont autorisé plus de 200 Témoins de Jéhovah à organiser un rassemblement religieux dans une maison privée.
En 2019, l’Université d’Alexandrie et l’Université Damanhour ont inauguré leur propre Institut d’études coptes, le premier du genre en Égypte.
En janvier 2020, après deux ans de restauration, la synagogue Eliyahu Hanavi du 14ème siècle a rouvert
ses portes. Environ 180 juifs l’ont visitée en février 2020. Le projet de 4 millions de dollars a été entièrement financé par le gouvernement égyptien.
La restauration du cimetière juif de Bassatine, au Caire, a également été achevée en 2020 grâce à l’American Research Center in Egypt et à l’association Drop of Milk, avec le financement du Fonds des ambassadeurs des États-Unis pour la préservation culturelle. Il est considéré comme le deuxième cimetière juif au monde par l’ancienneté. La restauration comprend la documentation et la cartographie de ce qui reste du site.
En janvier 2020, les Églises orthodoxe, évangélique et catholique sont parvenues à un accord sur un nouveau projet de loi unifié sur le statut personnel des non-musulmans.
En juillet 2020, l’Église copte a mis en garde contre la distribution de « faux évangiles » qui contredisaient
les enseignements chrétiens.
En février 2020, le tribunal administratif du Caire a interdit les sites web et chaînes de télévision chiites, y compris le site web du célèbre militant chiite Ahmed Rasem al-Nafis. Le Bureau du Procureur a expliqué que la décision avait été prise dans le but de lutter contre les dangers de l’idéologie chiite dans la société égyptienne et d’empêcher toute exploitation d’idéologies religieuses à des fins politiques.
En juillet 2020, après la décision de la Turquie de convertir la basilique Sainte-Sophie en mosquée, le grand mufti égyptien Shawky Allam a déclaré que cette action était « inadmissible » et que les lieux de culte devaient rester tels qu’ils sont. Il a également déclaré qu’il n’y avait aucune objection, selon la loi islamique, à utiliser de l’argent appartenant à des musulmans pour construire des églises.
En août 2020, le tribunal pénal de Minya a de nouveau reporté le procès de So’ad Thabet, une chrétienne battue et dépouillée par une foule de 300 hommes dans son village, à la suite de rumeurs selon lesquelles son fils aurait eu une liaison avec une musulmane divorcée. Après avoir entendu les plaidoiries, le tribunal a renvoyé l’affaire devant la cour d’appel de Beni Suef. So’ad Thabet, qui a refusé de participer à une session de réconciliation, est prise au piège dans cette bataille juridique depuis plus de quatre ans. En 2017, son cas avait été classé sans suite, faute de preuves. Plus tard, 3 de ses agresseurs ont finalement été inculpés et condamnés par contumace
à 10 ans de prison. So’ad Thabet et sa famille ont dû fuir le village, et les villageois coptes qui ont perdu leurs maisons ont dû être « réconciliés » avec leurs agresseurs. Son fils, Ashraf Abdo Attia, et la femme musulmane avec qui il aurait eu une liaison, ont été reconnus coupables d’adultère et condamnés à 2 ans de prison et au paiement d’une amende de 1.000 livres égyptiennes (environ 50 euros).
En septembre 2020, le tribunal administratif du Conseil d’État égyptien s’est déclaré incompétent dans
la plainte déposée par Maître Haitham Saad. Haitham Saad avait demandé au Ministre de la Justice de modifier la loi sur le statut personnel afin d’interdire le divorce verbal. Comme le Président al-Sissi, Haitham Saad voudrait que le divorce prononcé oralement par un mari nécessite une authentification pour être valide.
Les autorités religieuses égyptiennes, dont Al-Azhar, ont catégoriquement rejeté cette proposition au motif que le divorce verbal par un mari est la règle de la charia depuis « l’époque du prophète [Mahomet] », et donc
qu’il n’y a pas besoin de témoins ou d’authentification.
En septembre 2020, l’organisation Coptic Solidarity a publié un rapport sur l’enlèvement de filles et de femmes coptes, victimes d’abus sexuels et forcées de se convertir à l’islam et d’épouser des musulmans. Le rapport cite 13 études de cas, estimant le nombre de cas à environ « 500 au cours de la dernière décennie ».
En octobre 2020, Lamia Loutfi, gestionnaire des programmes à la New Woman Foundation, une organisation de défense des droits humains basée au Caire qui aide les femmes victimes de violences et de discriminations, a porté plainte contre les enseignants de l’école de sa fille pour avoir tenté de la forcer, elle et d’autres élèves, à porter le hijab. Cet incident a révélé que de nombreuses écoles à travers l’Égypte se livraient à des pratiques similaires.
En octobre 2020, le nombre d’églises et d’édifices ecclésiastiques désormais légalisés était de 1.738.
Début novembre 2020, Nabil Habashy Salama, un copte, a été enlevé dans le Sinaï. À la date de rédaction du présent rapport, aucune organisation n’avait revendiqué la responsabilité de l’enlèvement.
En novembre 2020, le ministre égyptien de l’Awqaf (chargé des dotations religieuses), Mohammed Mukhtar Juma, a expliqué que l’Égypte était en train de devenir « un modèle de coexistence religieuse » et qu’elle luttait contre toute discrimination sectaire tout en garantissant la pleine égalité des citoyens des différentes communautés religieuses. Il a ajouté : « Nous avons le devoir de protéger tout à la fois nos mosquées et
nos églises dans la mesure où, de cette manière, nous protégeons notre Patrie ».
À la mi-novembre 2020, 2 chrétiens, Ayman Rida Hanna et Mounir Masaad Hanna, arrêtés en juin 2019 après être apparus dans une vidéo évoquant la prière dans l’islam, ont été déférés devant un tribunal pénal pour s’être moqués de l’islam et avoir insulté la religion. L’un de leurs avocats, Amr al-Qadi, a déclaré qu’ils « sont restés en détention provisoire jusqu’à leur mise en examen, malgré les appels répétés à les libérer ».
Toujours en novembre 2020, un jeune enseignant chrétien, Youssef Hany, a été arrêté pour avoir insulté l’islam parce qu’il avait publié des commentaires sur Facebook. Lui et une musulmane, qui n’a été identifiée que par son nom sur Facebook, Sandosa, ont été inculpés conformément à l’article 98 (f) du Code pénal égyptien, qui interdit d’insulter une « religion révélée », à savoir l’islam, le christianisme et le judaïsme. Leur avocat, Me Makarios Lahzy, a plaidé que les accusations étaient inconstitutionnelles, vu que l’article du code « ne définit pas clairement et expressément l’outrage ou la diffamation et laisse la notion ouverte à l’interprétation et peu fiable ». Par ailleurs, le groupe de défense des droits Copts-United s’est demandé comment Hany pouvait être arrêté pour avoir prétendument insulté l’islam, tandis que ceux qui avaient par la suite insulté le christianisme et demandé la mort de Hany et des coptes n’avaient pas été arrêtés.
Le même mois, Mohamed Ashraf, un jeune humoriste, a été arrêté parce qu’une de ses vidéos – diffusée à l’origine en janvier 2020 – était devenue virale, provoquant des réactions violentes. Lors de sa prestation,
il s’était moqué de certains radiodiffuseurs de la station de radio publique Al-Quran Al-Kareem. Mohamed Ashraf, qui faisait face à de multiples accusations telles qu’outrage à la religion, mise en danger des valeurs familiales égyptiennes et insulte et diffamation à l’encontre des présentateurs de la station de radio, a été libéré quelques jours plus tard après s’être excusé auprès de l’un des animateurs de la radio.
Fin novembre 2020, des foules ont attaqué avec des pierres et des cocktails Molotov une église copte ainsi que des maisons et des magasins appartenant à des coptes à Barsha, un village du gouvernorat de Minya.
Les attaques auraient été provoquées par un article considéré comme offensant pour l’islam et le prophète Mahomet, déposé sur le compte Facebook d’un jeune copte. Une copte âgée a été hospitalisée pour des brûlures après que sa maison a été incendiée à la suite de l’incident. 100 personnes, dont 35 coptes, ont été arrêtées.
En novembre 2020, le grand mufti égyptien Sheikh Shawki Ibrahim Abdel-Karim Allam a déclaré dans
une interview télévisée hebdomadaire que le phénomène historique de l’islam politique « s’est révélé
un authentique désastre », se transformant en « un cauchemar qui trouble non seulement la communauté islamique mondiale mais le monde entier ».
À la suite du déclenchement de la pandémie de covid-19, les lieux de culte ont été fermés de la mi-mars à la fin août 2020. Les autorités ont interdit les rassemblements religieux publics à Pâques et pendant le Ramadan. Ces restrictions ont été critiquées par certains groupes religieux.
En mai 2020, le Pape copte Tawadros II a publié de nouvelles règles concernant les mariages, limitant à
4 personnes, en plus des époux, du prêtre et du diacre, le nombre de personnes présentes. Aucune célébration n’était permise. En plus de recommander un examen médical avant le mariage, il a été conseillé aux époux de s’habiller sobrement.
À certains égards, la situation de la liberté religieuse s’est quelque peu améliorée au cours des dernières années. Les différents messages incitant à une plus grande unité nationale entre musulmans et chrétiens et les initiatives visant à promouvoir la tolérance interconfessionnelle, à protéger les sites du patrimoine religieux et à légaliser des centaines d’églises sont certainement une évolution très positive. Mais l’intolérance sociale, profondément enracinée, et la discrimination à l’égard des non-musulmans demeurent de graves problèmes sociétaux, en particulier en Haute-Égypte.
Alors que le discours officiel du gouvernement aime à réaffirmer la fraternité et l’égalité entre les citoyens égyptiens, la réalité et les faits sur le terrain présentent une réalité contrastée. Déjà discriminés par la loi et ne jouissant pas des mêmes droits que leurs concitoyens musulmans, les chrétiens sont souvent victimes de crimes tels que le chantage, les agressions violentes et les enlèvements. Les victimes signalent que, dans la plupart des cas, les forces de police n’interviennent pas dans les attaques contre les coptes, tandis que leurs agresseurs bénéficient de l’impunité juridique. Dans de nombreux cas, ce sont les coptes qui finissent en prison.
En outre, ceux qui ne sont pas adeptes des religions monothéistes traditionnelles, ou qui ne sont pas officiellement reconnus, tels que les athées, les bahaïs, les chiites et les Témoins de Jéhovah, sont confrontés à des défis de taille tels que des attitudes sociétales négatives et des politiques gouvernementales contradictoires.
À l’automne 2020, à la suite de sa répression des militants des droits de l’homme et de toute forme d’opposition, le gouvernement égyptien a en réalité réduit au silence les acteurs qui défendaient les minorités religieuses et la liberté religieuse en Égypte. La progression vers la pleine jouissance de la liberté religieuse est au mieux hésitante, et la situation actuelle ne manifeste aucun signe d’amélioration.