Le peuple algérien est en majorité musulman sunnite. Il reste moins de 200 juifs autochtones. Il y a aussi des communautés catholiques et protestantes dans le pays. Officiellement, presque tous les chrétiens sont étrangers, dont beaucoup viennent d’Afrique subsaharienne. Le nombre de musulmans convertis au christianisme est faible, de 50.000 à 100.000 selon les estimations. La majorité d’entre eux a rejoint les communautés évangéliques, en particulier dans la région kabyle.
En novembre 2020, les algériens ont adopté une nouvelle Constitution, mais moins d’un électeur sur quatre a voté. Son préambule décrit l’islam comme une composante fondamentale de l’identité du pays. L’article 2 dispose que « l’islam est la religion de l’État ». L’article 11 interdit aux institutions publiques « les pratiques contraires à la morale islamique ». L’article 87 précise que seul un musulman peut devenir Président de la République. Le droit algérien ne considère pas l’apostasie comme une infraction pénale.
Les autorités algériennes autorisent les organisations religieuses à s’engager dans le travail humanitaire, mais si des non-musulmans font du prosélytisme, cela peut être sanctionné par une amende et une peine pouvant aller jusqu’à cinq ans de prison. Conformément à l’ordonnance 06-03 du 28 février 2006 fixant les conditions et règles d’exercice des cultes autres que musulman (article 11, alinéa 1er), les peines visent toute personne qui « incite, contraint ou utilise des moyens de séduction tendant à convertir un musulman à une autre religion, ou en utilisant à cette fin des établissements d’enseignement, d’éducation, de santé, à caractère social ou culturel, ou institutions de formation, ou tout autre établissement, ou tout moyen financier ».
Le décret interdit non seulement les tentatives de conversion d’un musulman à une autre religion, mais aussi tout ce qui vise à « ébranler la foi d’un musulman » (article 11, alinéa 2), bien qu’il n’interdise pas la conversion en tant que telle. Conformément à l’article 11, alinéa 2, de l’ordonnance, « est puni d’un emprisonnement de deux ans à cinq ans et d’une amende de 500.000 à un million de dinars quiconque fabrique, entrepose, ou distribue des documents imprimés ou métrages audiovisuels ou par tout autre support ou moyen qui visent à ébranler la foi d’un musulman ». Par conséquent, les livres et manuels chrétiens sont rares dans le pays, et les chrétiens ne se sentent pas libres d’avoir de la littérature chrétienne avec eux.
Tous les groupes religieux doivent s’inscrire auprès du Ministère de l’Intérieur avant de mener des activités, et leurs membres ne peuvent se réunir que dans des lieux approuvés par l’État. Les non-musulmans sont tenus de demander un permis spécial afin d’utiliser un bâtiment à des fins religieuses. Toutefois, le comité national chargé d’attribuer de tels emplacements « ne s’est jamais réuni et n’a donc jamais délivré une seule licence ». De ce fait, aucun bâtiment n’a été légalement autorisé à être utilisé comme église. Les règles gouvernementales sont très restrictives en ce qui concerne les églises, et les procédures administratives sont utilisées pour fermer les églises et intimider les musulmans non sunnites tout en affirmant que de telles actions ne sont pas des persécutions, et en se contentant de pénaliser la « non-conformité aux lois ».
Les infractions liées à la religion sont réglementées à l’article 144 bis 2 du Code pénal algérien qui prévoit que quiconque offense le prophète Mahomet et les envoyés de Dieu ou dénigre le dogme ou les préceptes de l’islam, que ce soit par voie d’écrit, de dessin, de déclaration ou tout autre moyen, est puni d’un emprisonnement de trois à cinq ans et d’une amende de 50.000 à 100.000 dinars algériens (environ 320 à 640 euros).
Les questions de droit de la famille sont réglementées par la charia. Selon le Code algérien de la famille, un musulman peut épouser une femme non musulmane si c’est une fidèle d’une foi monothéiste. Une musulmane ne peut épouser un homme non musulman que s’il se convertit à l’islam (article 30). Les enfants nés d’un père musulman sont considérés comme musulmans, quelle que soit la religion de la mère.
En février 2019, le mécontentement social et politique a déclenché le mouvement Hirak (sourires). Le Président Abdelaziz Bouteflika a finalement démissionné en avril 2019. Différents membres de son entourage, dont son frère Saïd, ont été arrêtés. Des élections ont eu lieu en décembre 2019, avec un taux de participation très faible (40 pourcents), et Abdelmadjid Tebboune a été élu Président. Un nouveau gouvernement a été formé quelques semaines plus tard, mais la plupart des ministres sont issus de l’administration précédente.
Depuis novembre 2017, entre 12 et 15 églises (sur environ 46 églises en Algérie) affiliées à l’Église protestante d’Algérie auraient reçu l’ordre de fermer.
En février 2019, un converti au christianisme accusé de prosélytisme a vu son acquittement confirmé. En avril 2019, cinq autres chrétiens accusés d’encourager un musulman à se convertir ont également été acquittés. L’épouse musulmane de l’un d’eux a déclaré que son mari, Ouali, et quatre autres amis, « chantaient un chant chrétien et parlaient de Jésus lors d’un déjeuner ». Dans les deux cas, les épouses étaient musulmanes et ont chacune subi des pressions de la part de parents musulmans pour se retourner contre leur mari et le quitter. Selon la loi islamique et le Code algérien de la famille, une femme musulmane ne peut pas vivre avec un homme non musulman ni être mariée à un homme non musulman.
À la mi-octobre 2019, les autorités algériennes ont fermé des églises protestantes, dont la plus grande d’Algérie à Tizi Ouzou. Dans certains cas, la police a évacué de force les lieux de culte afin de les fermer. Au moins 17 manifestants ont été arrêtés pour avoir participé à des sit-in afin de réclamer leur réouverture.
Quelques jours plus tard, certains musulmans ont manifesté, en soutien à la communauté chrétienne. En outre, un groupe d’avocats s’est rendu au poste de police pour demander la libération des détenus, laquelle a eu lieu le jour même. Suite à ces manifestations, les églises en question ont été rouvertes.
Les chrétiens ne sont pas le seul groupe religieux victime de discriminations et de persécutions. Les musulmans adeptes de l’ibadisme ont également été la cible d’une campagne de répression.
En novembre 2019, le Parlement européen a adopté une « résolution sur la situation des libertés en Algérie », demandant « l’arrêt des violations de la liberté de culte des chrétiens, des ahmadis et d’autres minorités religieuses ». Cette déclaration « rappelle au gouvernement algérien que l’ordonnance nº 06-03 garantit la liberté de culte » et « invite les autorités algériennes à rouvrir les lieux de culte en question ».
Fin 2019, 286 affaires impliquant des musulmans ahmadis étaient en instance devant la Cour suprême algérienne. Les accusations concernaient principalement « l’exploitation d’une association religieuse non enregistrée », la collecte de fonds non autorisée et la prière dans des lieux de culte non déclarés. Dans certains cas, les ahmadis se sont fait confisquer leurs passeports et diplômes.
Après le déclenchement de la pandémie de coronavirus, les autorités algériennes ont pris des mesures pour arrêter la propagation du Covid-19. Les mosquées ont été fermées pendant cinq mois, de la mi-mars à la mi-août. Une fatwa a été publiée indiquant qu’il était haram (religieusement interdit), pour des personnes ayant le Covid-19, d’aller prier dans une mosquée. Toutefois, le Ministère des Affaires religieuses et des wakfs a décidé que les mosquées pouvaient diffuser quotidiennement l’Adhan (appel à la prière) sur des haut-parleurs de mosquée pendant une demi-heure.
Avant le début du Ramadan, l’homme politique algérien Noureddine Boukrouh a écrit sur sa page Facebook qu’en raison du Covid-19, les musulmans devaient s’abstenir de jeûner : Il faut « consentir à la suspension du jeûne cette année car un gosier sec favorise l’implantation du virus, ou la refuser et braver le risque d’une plus large contamination des musulmans et des non-musulmans qui vivent ensemble presque partout ». Les rassemblements pendant le Ramadan pour l’Aïd al-Adha et l’Aïd El-Fitr ont été considérablement limités.
En mai 2020, certains législateurs européens de différents groupes politiques ont posé une question écrite sur les « attaques contre la liberté de religion en Algérie », demandant à la Commission européenne si « cette question [a] été abordée dans le cadre des dialogues politiques UE-Algérie ? » et « si des changements ont été apportés à l’ordonnance 06-03 du gouvernement algérien ».
En juillet 2020, certains médias ont rapporté que les services de renseignement et de sécurité algériens recueillaient des informations sur les affiliations religieuses des enseignants de la province de Tizi Ouzou. Pour certains, il s’agissait d’une forme d’intimidation dirigée contre les enseignants chrétiens et athées.
L’ordonnance 06-03 reste préoccupante car son application stricte vise à faire pression sur les minorités religieuses et à fermer leurs lieux de culte « non déclarés ».
Pour la première fois, la Commission des États-Unis sur la liberté religieuse internationale (USCIRF) a recommandé que son rapport annuel 2020 ajoute l’Algérie à la Liste spéciale de surveillance. Selon le Religious Freedom Institute, « le rapport a mis en évidence la fermeture systémique des églises [sic] protestantes dans le pays, l’utilisation abusive des lois sur le blasphème et les restrictions imposées à d’autres minorités, dont les communautés ahmadie et chiite ».
Les répercussions économiques et sociales de la pandémie de Covid-19 et les mesures adoptées pour la contenir pourraient démultiplier les défis auxquels l’Algérie est confrontée et aggraver le conflit entre le mouvement Hirak et le gouvernement. Cela conduirait à de nouvelles pressions sur les minorités religieuses et porterait encore plus atteinte à leurs libertés.