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Terre Sainte : « Les éléments religieux du conflit ont pris de l’importance au fil du temps »

Hana Bendcowsky est directrice du programme du Centre de Jérusalem pour les Relations Judéo-Chrétiennes (JCJCR), qui est soutenu depuis des années par l’Aide à l’Église en Détresse (AED). Même après le dernier conflit avec Gaza, Mme Bendcowsky s’engage toujours en faveur du dialogue entre juifs et chrétiens en Israël.

L’entretien a été réalisé par Oliver Maksan pour l’AED.

AED : Mme Bendcowsky, le dialogue judéo-chrétien est-il possible après le récent conflit entre juifs et chrétiens en Israël ? La majorité des chrétiens d’Israël sont arabes et privilégient sans doute la vision palestinienne de la situation.

Le dialogue judéo-chrétien dans cette région est toujours un dialogue entre d’une part des israéliens juifs et d’autre part des palestiniens chrétiens. Le conflit politique est un élément inévitable du dialogue judéo-chrétien. Les identités religieuses et nationales sont étroitement liées et la majeure partie de notre travail se rattache à la communauté palestinienne locale. Il y a donc ici moins de dialogue théologique et plus de dialogue autour des réalités et identités complexes des différentes communautés de Terre Sainte.

Dans quelle mesure le conflit entre Israéliens et Palestiniens est-il religieux ? Ou alors s’agit-il fondamentalement d’un conflit national ?

Bien que le conflit ne soit pas fondamentalement un conflit religieux, les identités religieuses et nationales des gens ne peuvent être séparées – et les éléments religieux du conflit ont pris de l’importance au fil du temps, car les récits religieux-nationalistes gagnent en influence dans la société.

Hana Bendcowsky est directrice du programme du Centre de Jérusalem pour les Relations Judéo-Chrétiennes (JCJCR).
Hana Bendcowsky est directrice du programme du Centre de Jérusalem pour les Relations Judéo-Chrétiennes (JCJCR).

Mais ces identités ne compliquent-elles pas le dialogue ?

Même pendant les flambées de violence que nous venons de vivre, nous poursuivons notre dialogue et notre travail éducatif – sensibiliser en ce qui concerne les communautés arabo-palestiniennes chrétiennes, leur attachement profond à la Terre Sainte, leurs racines et leur engagement envers elle, leur héritage, leurs convictions et leurs traditions. Bien sûr, nous le faisons également en ce qui concerne leurs réactions à la situation actuelle. Dans nos programmes de dialogue, la confiance que nous avons si durement gagnée – tant parmi nos collaborateurs qu’au sein des groupes eux-mêmes – a permis aux groupes de continuer à parler et à partager leurs expériences, et de comprendre ce qui se passe autour d’eux et de compatir à la souffrance d’où qu’elle vienne.

Que fait concrètement le Centre de Jérusalem pour rapprocher les juifs et les chrétiens ?

Le projet Healing Hatred, soutenu par l’AED, utilise des méthodes de conseil spirituel dans le contexte du conflit. Dans plusieurs de nos groupes de dialogue à l’université et à l’Open House de Ramle, le modérateur a utilisé ces méthodes pour discuter de la situation actuelle. Selon cette méthode, il est demandé aux participants de parler de leur expérience personnelle et non pas de « la situation ». Les élèves ont exprimé leurs craintes et leurs inquiétudes. Une fois, ils se sont retrouvés coincés à l’université sans pouvoir quitter le campus à cause des émeutes à l’extérieur. Ils se sont assis ensemble et ont parlé de leurs préoccupations personnelles en utilisant la méthode exceptionnelle de Healing Hatred.

S’agissant des événements récents du mois dernier, en Israël on parle plutôt des « arabes », de la coexistence fragile ou de la violence de la partie adverse. Au lieu de parler de « la situation », les animateurs encouragent les participants à partager leurs peurs – par exemple leur peur de descendre dans la rue ou de parler leur langue. Les juifs et les arabes expriment des craintes similaires. Si l’on considère la situation d’un point de vue personnel, elle prend une dimension très humaine.

Centre de Jérusalem pour les Relations Judéo-Chrétiennes (JCJCR), qui est soutenu depuis des années par l’Aide à l’Église en Détresse (AED).
Centre de Jérusalem pour les Relations Judéo-Chrétiennes (JCJCR), qui est soutenu depuis des années par l’Aide à l’Église en Détresse (AED).

Comment avez-vous vécu les jours de conflit, vous et vos collaborateurs ? Des milliers de roquettes ont été lancées de Gaza vers une grande partie d’Israël.

Le conflit a affecté tous les employés – causant entre autres des dommages aux voitures de trois employés, un juif et deux arabes. Les membres du personnel, tant juifs qu’arabes, qui vivent dans le centre du pays ont dû chercher un refuge pour se protéger des tirs de roquettes. Et les rues de toutes les villes mixtes, y compris Ramle où nous avons notre nouveau centre, sont devenues dangereuses pour tout le monde. Nous avons passé beaucoup de temps en équipe pour partager nos expériences et discuter des événements qui se déroulaient. Nous devrons consacrer du temps supplémentaire, dans les semaines et les mois à venir, pour voir si et comment nous devons adapter notre programme aux nouvelles réalités.

Cela signifie que le dialogue a continué, même pendant le conflit

Toutes nos initiatives, ainsi que celles de nombreuses autres organisations, se sont poursuivies pendant le conflit. Comme nous venons de le dire, un de nos groupes universitaires a été bloqué sur le campus pendant un moment, tandis que des émeutiers étaient dispersés à l’extérieur. À Ramle, ville habitée par des juifs et des arabes qui connait de fortes tensions et violences, nous avons non seulement poursuivi nos groupes, y compris en ligne lorsque cela s’est avéré nécessaire pour des raisons de sécurité, mais nous sommes également en train de créer une nouvelle série de cercles de dialogue pour permettre aux habitants de la ville de parler de ce qui s’est passé et commencer à réfléchir à la direction que nous voulons prendre. Dans tous les cas, nos animateurs formés font tout leur possible pour créer un espace sûr permettant à chacun de s’entendre et de se comprendre, même s’ils ne sont pas d’accord quant au récit des événements et même si les participants expriment de la peur, de la colère, de la frustration et bien d’autres émotions « négatives ».

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