Dix ans après, un survivant revient sur l’attaque contre les chrétiens coptes
Il y a dix ans, la veille du Nouvel An, la vie de Kiro Khalil, chrétien copte alors âgé de 20 ans, a été « bouleversée », selon ses propres termes. Cette expression ne rend pas compte de l’horreur que le jeune homme a vécue. Il a survécu à une attaque qui visait expressément les chrétiens. Trois membres de sa famille sont morts.
Après l’attentat, Khalil a été victime de discrimination et de menaces de mort. Il a dû quitter sa patrie et a trouvé refuge en Allemagne – mais, en chemin il a aussi trouvé le bonheur : il s’est récemment marié. Florian Ripka, directeur général du bureau allemand de l’organisation caritative pastorale Aide à l’Église en détresse (AED), a échangé avec Khalil sur le pouvoir de la réconciliation, sur l’amour des ennemis et sur la foi qui résiste aux persécutions.
Mr Khalil, vous avez survécu à une attaque contre une église. Quand était – ce et que s’est-il passé ?
J’ai perdu les membres les plus proches de ma famille lors de l’attaque contre l’église de Saint-Marc et Saint-Pierre (église Al-Qidissine) dans ma ville natale d’Alexandrie. Cela s’est produit la veille du Nouvel An 2011. Nous étions à l’église pour remercier Dieu de l’année qui touchait à sa fin. En partant, peu après minuit, une voiture piégée a explosé en face de l’église. Vingt-quatre personnes sont mortes et plusieurs centaines d’autres ont été blessées. Parmi les défunts se trouvaient ma mère, ma sœur et une de mes tantes. Mon autre sœur Marina a été gravement blessée. Elle a dû être opérée 33 fois.
Vous avez perdu vos proches, comment contenez-vous votre chagrin et la rage que vous devez ressentir envers vos agresseurs ?
Depuis mon enfance, je suis l’objet de haine et de discrimination parce que je suis chrétien. J’ai souvent été harcelé verbalement à l’école, simplement à cause de mon prénom Kiro, qui est un nom chrétien traditionnel. Dès l’enfance, ma mère nous a appris à aimer nos semblables, sans tenir compte de ce qu’ils nous faisaient. « Aime ton prochain comme toi-même » : ma mère a inscrit en nos cœurs ce commandement de Jésus. Après l’attaque, cela m’a énormément aidé à surmonter ma douleur.
En fin de compte, votre foi est la raison pour laquelle vous et votre famille avez été attaqués. N’avez-vous jamais douté de Dieu ?
Absolument pas. Quatre mille personnes étaient rassemblées dans l’église pour l’office de la veille du Nouvel An. Parmi eux, trois de mes parents ont été choisis pour être martyrs. Et même si cela semble étrange, au lieu de céder au désespoir ou de me demander « Dieu est-il injuste de permettre une telle chose ? », je considère cela comme une grâce.
Il n’a pas été possible d’identifier les auteurs de l’attaque, ni leurs commanditaires. Que pensez-vous des assassins ?
J’ai de la pitié pour les auteurs de l’attentat. Les extrémistes vivent sous une pression très forte. Ils croient qu’ils doivent commettre des actes de violence contre des personnes d’autres religions pour plaire à Dieu. Ces gens ont du sang sur les mains. Comment une personne peut-elle vivre avec une telle culpabilité ? J’imagine qu’ils souffrent autant que moi des conséquences de cette attaque.
Vous vivez aujourd’hui en Allemagne. Vous sentez-vous libre de vivre votre foi ici ? Et quels sont, selon vous, les défis des croyants d’ici ?
En Allemagne, il y a beaucoup de liberté. Elle est souvent considérée comme une évidence. J’ai parfois l’impression que la foi se meure avec le temps. Il arrive souvent que l’Eglise soit particulièrement vivante dans les lieux qui subissent des persécutions. En Égypte, les chrétiens meurent pour avoir le droit de vivre leur foi. Ici, en Allemagne, les églises sont fermées ou transformées en musées. Ceci m’attriste.